Dans une décision rendue le 1er novembre 20161, la Cour supérieure rétablit la décision initialement rendue par la Commission des relations du travail le 9 mai 2014 et rejette la requête présentée par la FIQ en vertu de l’article 39 du Code du travail.

Dans une requête déposée en 2012, la FIQ « soumet qu’en vertu du cadre institutionnel d’ordre public, aucune autre entité que (l’intimée) Hôpital Maisonneuve-Rosemont (ci-après appelé « HMR »), l’établissement responsable et imputable au sens de la Loi, ne peut être considéré comme l’employeur des personnes appartenant à la catégorie 1 (soit le personnel en soins infirmiers et cardio-respiratoires, dont les infirmières et les infirmières auxiliaires) ». Autrement dit, la FIQ prétend qu’une infirmière, infirmière auxiliaire ou inhalothérapeute provenant d’une agence privée est nécessairement l’employée de l’établissement lorsqu’elle y travaille et est donc soumise à la convention collective s’appliquant aux salariées de l’établissement. En effet, la FIQ prétend que l’encadrement législatif rigide applicable au secteur de la santé et des services sociaux (la Loi 30, la Loi 25, la LSSSS, la Loi sur l’équité salariale, la Loi 142, la Loi sur le régime de négociation des conventions collectives dans les secteurs public et parapublic ainsi que la Loi assurant le maintien des services essentiels dans le secteur de la santé et des services sociaux), fait en sorte qu’il ne peut y avoir de relation tripartite possible et que seul l’établissement, en l’occurrence HMR, peut être considéré comme l’employeur des personnes assignées par l’entremise d’une agence de placement de personnel.

Le 9 mai 2014 (ci‑après la « CRT‑1 »), le juge administratif Michel Denis rejette cette requête de la FIQ2. Toutefois, le 9 mars 2015 (ci‑après la « CRT‑2 »), une formation de trois juges administratifs siégeant en révision, révoquent la décision CRT‑1 au motif qu’elle est insuffisamment motivée.

HMR et les agences contestent cette décision CRT‑2 devant la Cour supérieure. Le 1er novembre 2016, la Cour supérieure casse la décision CRT‑2 et rétablit la décision CRT‑1.

Le juge de la Cour supérieure écrit :

[35]      « Le commissaire n’a fait qu’appliquer les dispositions claires de la LSSSS pour conclure à l’inexistence d’un cadre institutionnel et même plutôt à l’existence d’ententes tripartites. Le commissaire n’y voit aucune difficulté d’interprétation ayant pu nécessiter un raisonnement élaboré. CRT‑1 est parfaitement compréhensible tant sur la portée des dispositions législatives et, de ce fait, l’absence d’un cadre institutionnel contraignant favorisant la FIQ, sans nécessité d’examiner plus avant les Lois 25 et 30. De l’avis du Tribunal, CRT‑2 est déraisonnable en regard de l’existence d’un vice de fond quant à l’examen de ces lois. La motivation est suffisante. »

Particularité de ce dossier

Dans le même dossier, il est important de signaler que le tribunal administratif du travail (ayant remplacé la CRT le 1er janvier 2016) a rendu une deuxième décision en regard de la requête de la FIQ le 25 août 2016 (juge administratif André Michaud). Dans cette deuxième décision, et contre toute attente, le juge administratif Michaud fait droit aux prétentions de la FIQ voulant que le cadre institutionnel soit suffisant à lui seul pour conclure que les professionnels en soins infirmiers assignés par l’entremise d’une agence de personnel soient automatiquement des salariés de HMR.

Cette décision du juge administratif Michaud a été rendue suite à la révocation de la décision CRT‑1 mentionnée plus haut. Étant donné que la décision CRT‑1 vient d’être rétablie par la Cour supérieure, la décision du juge administratif Michaud doit être considérée nulle puisqu’elle n’aurait jamais dû être rendue.

Reste à voir quelle suite connaîtra ce dossier, que l’on peut désormais qualifier de saga.

Il reste que cette question du cadre institutionnel soulevée par la FIQ pourrait avoir des conséquences majeures pour le réseau de la santé et des services sociaux. En effet, la FIQ souhaite faire en sorte que toute infirmière, infirmière auxiliaire ou inhalothérapeute assignée dans un établissement par l’entremise d’une agence soit automatiquement et systématiquement considérée comme salariée de l’établissement et soumise à la convention collective et ce, peu importe le nombre de quarts de travail qu’elle sera appelée à effectuer.

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