Dans l’arrêt Vigi Santé Ltée, rendu le 14 juin 2017, la Cour d’appel a déterminé que l’employeur, en l’occurrence un CHSLD privé conventionné représenté par Me Pierre Douville de notre étude, peut permettre l’installation d’une caméra dans la chambre d’un usager par sa famille.
Rappelons que dans cette affaire, la famille d’une usagère logée en CHSLD avait installé, au vu et au su de tous, une caméra dans sa chambre afin d’assurer un contact entre la mère et ses enfants. Par l’entremise de leurs téléphones cellulaires, seuls les enfants, qui, par ailleurs, étaient satisfaits des services offerts par les salariés du CHSLD, pouvaient voir et entendre leur mère. Les images ainsi captées n’étaient pas accessibles à l’employeur ni enregistrées.
Invoquant que la présence de la caméra provoquait des conditions de travail injustes et déraisonnables au sens de la Charte des droits et libertés de la personne (ci-après la « Charte »), le syndicat a déposé un grief syndical à l’encontre de l’employeur, qui, selon lui, aurait dû refuser l’utilisation d’un tel équipement. L’arbitre saisi de la question a décidé en faveur du syndicat et a ordonné à l’employeur d’enlever la caméra et de ne plus permettre l’installation d’une telle caméra ou d’un autre dispositif semblable. La Cour supérieure a maintenu la décision d’arbitrale suite à une contestation par l’employeur.
Or, la Cour d’appel a accueilli l’appel de cette décision, formulé par l’employeur, au motif que la décision de l’arbitre n’est pas raisonnable. La Cour, dans une décision majoritaire rendue par les juges Étienne Parent et Mark Schrager (le juge Lorne Giroux aurait rejeté l’appel), estime que la question qu’aurait dû se poser l’arbitre était de savoir si l’employeur surveillait ses employés par l’entremise de cette caméra. Or, la Cour indique que, dans les circonstances particulières de cette affaire, contrairement à ce qu’avait conclu l’arbitre, la caméra en question n’est pas un dispositif visant à surveiller le travail des salariés et, qu’en ce sens, elle n’entraîne pas de conditions de travail injustes ou déraisonnables pour les salariés.
Selon la Cour, la décision de l’arbitre génère une situation où l’on refuse à une personne hébergée en CHSLD (ou à sa famille) le droit de pouvoir installer une caméra dans ce qui constitue sa résidence, son domicile, voir même sa véritable demeure au sens de la Charte. Au-delà du droit à la protection, pour les personnes âgées ou handicapées, contre toute forme d’exploitation, conféré par la Charte, la Cour rappelle que les résidents jouissent de tous leurs droits fondamentaux dont notamment les droits à la vie, la sécurité, l’intégrité, la liberté de leur personne, à la sauvegarde de leur dignité, de leur honneur et de leur réputation, au respect de leur vie privée et à l’inviolabilité de leur demeure.
Ainsi, la Cour d’appel indique que l’arbitre a erronément évalué la présence de la caméra installée par la famille comme étant un dispositif de surveillance des salariés. La Cour explique que dans cette situation précise, il n’est aucunement question de surveillance des salariés par l’employeur, notamment puisque ce dernier n’avait pas accès aux images captées qui, rappelons-le, n’étaient pas enregistrées. Ainsi, la Cour enseigne qu’il faut faire une distinction fondamentale entre la surveillance des salariés et le lien qu’une famille veut entretenir avec son proche qui est hébergé dans une résidence tel un CHSLD.