Le 1er juillet prochain sera un jour de congé, de fête nationale, de déménagements… et jour d’entrée en vigueur d’amendements importants à la Loi sur la santé et la sécurité du travail (L.R.Q., c. S-2.1, ci-après la «loi»).
Cette loi cadre en matière de prévention d’accidents du travail prévoit à son chapitre 10, l’établissement du service de l’inspection et plus particulièrement le rôle et les pouvoirs des inspecteurs de la CSST.
Rappelons que les inspecteurs peuvent se présenter en tout temps dans un établissement ou sur un chantier de construction afin de procéder à une inspection, prélever des échantillons, apposer des scellés ou faire cesser des travaux en cours. La visite est consignée dans un rapport écrit qui peut s’accompagner d’avis de corrections enjoints de délais pour s’y conformer. Les ordonnances sont exécutoires nonobstant appel.
Tous les employeurs sont responsables de la santé et de la sécurité de leurs propres employés, mais le sont également pour les travailleurs d’entrepreneurs ou de sous-traitants et ce, à titre de maître d’oeuvre ou de propriétaire des lieux où s’exécutent des travaux.
Les informations suivantes apparaissent aux rapports d’intervention faisant suite à une visite de l’inspecteur: la description du danger identifié, les décisions, les avis de corrections et les résultats attendus par la CSST. Ces rapports sont transmis au Directeur régional de la CSST qui fera sa recommandation à ses procureurs quant au dépôt de plaintes pénales en vertu des articles 236 ou 237 de la loi. Le Directeur régional devient alors le plaignant dans le cadre de l’émission d’un constat d’infraction et l’établissement devient le justiciable.
Ces articles ont été amendés par le projet de loi no 35 adopté le 10 juin 2009 et entreront en vigueur le 1er juillet prochain en partie et le 1er janvier 2011 en totalité. Le montant des amendes sera ultimement triplé. Voici le texte des modifications applicables :
«236. Quiconque contrevient à la présente loi ou aux règlements ou refuse de se conformer à une décision ou à un ordre rendu en vertu de la présente loi ou des règlements ou incite une personne à ne pas s’y conformer commet une infraction et est passible :
(…)
2° dans le cas d’une personne morale, d’une amende d’au moins 1 500$ et d’au plus 3 000$ dans le cas d’une première infraction, d’une amende d’au moins 3 000$ et d’au plus 6 000$ dans le cas d’une récidive et d’une amende d’au moins 6 000$ et d’au plus 12 000$ pour toute récidive additionnelle.»
«237. Quiconque, par action ou par omission, agit de manière à compromettre directement et sérieusement la santé, la sécurité ou l’intégrité physique d’un travailleur commet une infraction et est passible :
(…)
2° dans le cas d’une personne morale, d’une amende d’au moins 15 000$ et d’au plus 60 000$ dans le cas d’une première infraction, d’une amende d’au moins 30 000$ et d’au plus 150 000$ dans le cas d’une récidive et d’une amende d’au moins 60 000$ et d’au plus 300 000$ pour toute récidive additionnelle. »
Toutefois, pour la période du 1er juillet 2010 au 31 décembre 2010, les articles 236 et 237 de la Loi, (…), doivent se lire en diminuant du tiers les amendes qui y sont prévues. (Nos caractères gras)
La CSST faisait part, lors d’un déjeuner organisé par le Conseil du patronat du Québec en mai dernier, que les amendes n’ayant point été indexées depuis l’adoption de la loi en 1979, une mise à jour s’avérait nécessaire. Toutefois, la CSST désirait par la même occasion changer ses façons de faire.
En premier lieu, l’analyse de l’opportunité d’émettre un constat d’infraction se fera d’abord à la lumière de l’article 236 et ensuite de l’article 237, alors que présentement, l’analyse se fait d’abord en vertu de l’article 237. Rappelons que l’article 236 s’applique à l’occasion d’une dérogation à la loi ou l’un de ses règlements, alors que l’article 237 comporte la notion de compromission directe et sérieuse à la santé, sécurité et intégrité d’un travailleur. Ceci devrait diminuer le nombre de constats déposés en vertu de l’article 237, qui prévoit des amendes plus élevées.
La CSST a également présenté un nouveau Guide sur l’éthique spécifique aux inspecteurs dont les grandes lignes se retrouvent au fascicule intitulé « Intervention en prévention-inspection » disponible sur le site internet de la CSST au : www.csst.qc.ca/amendes. Nous retenons, entre autres, la création de la Direction générale des opérations centralisées (DGOC), qui aura pour fonction de répondre aux questionnements plus précis sur l’intervention de l’inspecteur et recevoir les plaintes des employeurs. La CSST promet également un traitement plus rapide des demandes de révision des avis de corrections.
La CSST s’est de plus dotée d’une grille d’opportunité pour émettre ou retirer un constat d’infraction afin d’assurer une plus grande uniformité dans l’émission des constats et des amendes s’y rattachant.
La CSST met en place un nouveau comité central d’examen des constats en récidive sous la responsabilité de la DGOC. Nous ignorons pour l’instant quels seront les critères considérés par ce comité pour décréter qu’une dérogation constitue dans les faits une « récidive ». S’agirat- il d’une deuxième infraction punissable en vertu de l’article 236 ou 237, ou devra-t-il s’agir d’une deuxième dérogation en semblable matière (absence d’avis d’ouverture de chantier, travaux en hauteur, sécurité d’une machine, etc.)? L’interprétation qu’en feront les tribunaux dans les mois à venir devrait nous éclairer sur cette question.
Autre nouveauté: sur réception d’un constat d’infraction, le justiciable pourra dorénavant contacter directement 2 le plaignant, en l’occurrence le Directeur régional de la CSST, pour lui faire part de motifs pouvant justifier le retrait de la plainte ou la diminution de l’amende. Le plaignant pourra lui dévoiler ses démarches en prévention, ses investissements en équipements de sécurité, les circonstances particulières ayant mené à la commission de l’infraction, etc.
Nous avons des réserves quant à cette communication avec le Directeur régional. Rappelons que ce dernier est en fait le « plaignant » dans le cadre d’une plainte pénale, c’est-à-dire essentiellement la partie adverse. Dans les faits, les propos du représentant de l’employeur seront-ils consignés? Feront-ils partie de la preuve du plaignant? Pourront-ils être interprétés comme étant des aveux lors d’un procès éventuel? Bien que nous ayons tenté de savoir comment seront traités juridiquement de tels entretiens entre les parties à une infraction, notre questionnement est demeuré sans réponse.
Les procureurs de la CSST et des employeurs en défense entretiennent régulièrement des pourparlers lors de négociations dans les dossiers, mais ces entretiens sont privilégiés et ne peuvent être utilisés en preuve. Nous sommes donc réfractaires à encourager, pour l’instant, les contacts directs aux Directeurs régionaux pour négocier le retrait des plaintes et ce, jusqu’à ce que nous connaissions le traitement juridique de ces entretiens.
Nous pouvons comprendre que les amendes associées aux infractions motiveront les justiciables à prendre tous les moyens pour tenter de s’en soustraire. Toutefois, la prudence est de mise. Nous suggérons toujours de retourner le coupon au bas du constat d’infraction après y avoir coché la case « Je soussigné plaide non coupable ». Ceci préservera vos droits et vous permettra de consulter votre conseiller juridique. Cette simple démarche évitera que vous soyez condamné pour avoir fait défaut d’avoir exercé votre droit de contestation.
À la lumière de ces amendements, des programmes de tolérance zéro de la CSST en matière de construction et de sécurité des machines ainsi que des nouvelles exigences en matière de cadenassage, nous ne pouvons mettre assez d’emphase sur la nécessité d’implanter un programme complet de prévention, incluant un programme de cadenassage, un suivi de leur application par les cadres de l’établissement avec inspection des lieux, ainsi qu’un processus d’accueil et de formation des employés. Ces remarques s’appliquent également à ceux qui sont considérés maîtres d’oeuvre ou propriétaires de lieux où s’exécutent des travaux notamment de construction.
Il est donc essentiel de mettre tous les efforts nécessaires afin de prévenir les accidents du travail et d’assurer la sécurité des lieux de travail, car la prévention est une mesure efficace pour éviter de s’exposer à des plaintes pénales. Un comportement sécuritaire et averti peut s’avérer fort payant…