Le 20 mars 2018, la Ministre responsable du Travail, Mme Dominique Vien, a présenté le Projet de loi no 176 intitulé Loi modifiant la Loi sur les normes du travail et d’autres dispositions législatives afin de principalement faciliter la conciliation famille-travail (ci‑après, le « projet de loi P-176»).

Ensuite, le 22 mars 2018, le Ministre de l’Emploi et de la Solidarité sociale, M. François Blais, a présenté le Projet de loi no 174 intitulé Loi visant principalement à assouplir le régime d’assurance parentale afin de favoriser une meilleure conciliation famille-travail (ci‑après, le « projet de loi P-174 »).

Bien que les projets de loi soient au début du processus législatif et qu’ils puissent encore être amendés, que doivent faire les employeurs ? Devraient-ils poser des gestes concrets afin d’agir en amont relativement aux nouvelles obligations qui leur incomberont une fois les adoptions complétées ?

 

Les modifications en bref

Nous vous proposons d’abord de jeter un coup d’œil aux modifications les plus marquantes :

 

 

  1. Heures de travail
    • Un salarié pourra refuser de travailler plus de deux heures au-delà de ses heures habituelles quotidiennes de travail (limite actuellement fixée à quatre heures) ;
    • Un salarié pourra aussi refuser de travailler s’il n’a pas été informé au moins cinq jours à l’avance qu’il serait requis de travailler, sauf lorsque la nature de ses fonctions exige qu’il demeure en disponibilité ;
    • Il y aura assouplissement des règles sur l’étalement des heures de travail.

 

  1. Congés
    • Dès le cumul de trois années de service continu (au lieu de cinq), le salarié bénéficiera désormais de trois semaines de congés annuels payés ;
    • Que ce soit pour cause de don d’organes ou de tissu, d’accident, de violence conjugale, d’acte criminel ou même pour remplir ses obligations familiales, les deux premiers jours d’absence pour un salarié justifiant trois mois de service continu seront rémunérés ;
    • Il y aurait bonification des congés pour raisons familiales ou parentales, notamment par :
      • l’élargissement de la notion de « parent » ;
      • l’intégration d’un concept de « proche aidant » ;
      • l’ajout d’une journée payée supplémentaire à celle déjà prévue pour le salarié qui s’absente à l’occasion d’un décès ou de funérailles ;
      • la bonification des congés relatifs à la santé d’un proche ;
    • La victime de violence conjugale aura maintenant droit à 26 semaines d’absence sur une période de douze mois.

 

  1. Régime québécois d’assurance parentale
    • Étalement du congé de maternité, de paternité ou parental sur les deux années suivant la naissance ;
      • De plus, avec l’accord de l’employeur :
        • le retour au travail pourra être progressif ;
        • le congé peut être entrecoupé de périodes de travail ;
    • Possibilité de remplacer deux semaines de congé parental en dix journées de « prestations quotidiennes pour responsabilités parentales » qui pourront être réclamées à l’intérieur des trois années suivant la naissance pour des motifs familiaux, tels que :
      • rendez-vous médical de l’enfant ;
      • fermeture d’un service de garde ;
    • Congé de maternité :
      • ajout de cinq semaines au congé de maternité dans l’éventualité d’une grossesse multiple ;
      • prolongation de sept semaines de la période où peut être pris le congé de maternité;
    • Ajout de cinq semaines au congé des parents adoptants ;
    • Ajout de deux semaines de congé de paternité suivant le décès de l’enfant.

 

  1. Disparité de traitement
    • Les régimes de retraite et les autres avantages sociaux ne pourront faire l’objet de disparité sur la base de leur date d’embauche entre les salariés effectuant les mêmes tâches dans un même établissement, à l’exception de ce qui est actuellement en vigueur ;
    • Malgré qu’il effectue moins d’heures par semaine que ses collègues, un salarié a droit au même salaire horaire que ces derniers s’il exécute les mêmes tâches dans le même établissement.

 

  1. Agences de placement
    • Il y aura un important encadrement supplémentaire des agences de placement de personnel imposant la :
      • détention d’un permis ;
      • responsabilité solidaire des obligations pécuniaires prévues à la Loi sur les normes du travail avec l’entreprise cliente ;
    • Il y aura une protection supplémentaire des travailleurs embauchés par l’entremise d’agences de placement de personnel et des travailleurs étrangers temporaires, notamment par :
      • l’interdiction d’accorder à un salarié un taux de salaire inférieur à celui offert aux salariés de l’entreprise cliente qui effectue les mêmes tâches sur la seule base du statut d’emploi ;
      • l’octroi de pouvoirs accrus à la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail.

 

  1. Responsabilité des administrateurs et des dirigeants
    • Les administrateurs ou les dirigeants d’une personne morale seront présumés personnellement responsables de toute infraction commise par cette dernière en vertu de la Loi sur les normes du travail ou de ses règlements, à moins d’une preuve de diligence raisonnable.

 

  1. Harcèlement psychologique
    • Politique
      • Tout employeur aura expressément l’obligation d’adopter une politique de prévention du harcèlement psychologique et de traitement des plaintes ;
    • Harcèlement sexuel
      • Bien que déjà traités ainsi par les tribunaux, les paroles, actes et gestes à caractère sexuel seront expressément considérés comme constituant du harcèlement psychologique.

 

Nos constats et recommandations

D’une part, les modifications au régime d’assurance parentale proposées par le projet de loi P-174 bonifieront et assoupliront la prise des congés octroyés aux nouveaux parents, ce qui exigera des employeurs une flexibilité accrue.

D’autre part, il ne fait aucun doute que, par les modifications présentées au projet de loi P‑176, la Loi sur les normes du travail offrira une protection supplémentaire aux salariés. Nous attendons avec impatience le dévoilement de l’étude d’impact commandée par le gouvernement afin de mieux quantifier les répercussions monétaires qu’auront vraisemblablement pour les employeurs les modifications proposées.

Dans l’attente, nous conseillons à chaque employeur qui n’a pas déjà une politique de prévention du harcèlement psychologique et de traitement des plaintes d’être proactif en veillant à son adoption prochaine. En plus de favoriser un climat de travail sain, une telle politique s’avère être un outil de gestion précieux pour résoudre efficacement les conflits. Cette politique pourrait également aborder la façon de traiter les problématiques de conflits de travail qui ne constituent pas du harcèlement, mais qui ont certainement un impact réel dans les équipes de travail.

Il est essentiel de ne pas en négliger la rédaction et de déterminer avec précaution le mécanisme de traitement des plaintes qui convient à la réalité de chaque employeur. Puisqu’il est prévu que le projet de loi P-176 soit adopté avant la fin de l’actuelle session parlementaire qui se termine le 15 juin prochain, les trois prochains mois devraient permettre un tel exercice.

L’équipe de droit du travail de Monette Barakett possède une longue expérience en matière de prévention et de règlement des conflits liés aux plaintes alléguant du harcèlement psychologique. Notre expertise est mise à la disposition de tout employeur qui souhaite obtenir du soutien dans l’élaboration de sa politique de prévention du harcèlement psychologique et de traitement des plaintes, ainsi que pour toute question de civilité en milieu de travail. N’hésitez pas à nous contacter !

Enfin, nous suivrons l’évolution des débats parlementaires qui mèneront à l’adoption des textes de loi finaux et nous vous tiendrons informés de toutes modifications dignes de mention pour les employeurs.

La présente chronique ne constitue pas un avis juridique et a été rédigée uniquement afin d’informer les lecteurs. Ces derniers ne devraient pas agir ou s’abstenir d’agir en fonction uniquement de cette chronique. Il est recommandé de consulter à cette fin leur conseiller juridique. © Monette Barakett SENC. Tous droits réservés. La reproduction intégrale et la distribution de cette chronique sont autorisées à la seule condition que la source y soit indiquée.