Lors d’un changement d’espaces locatifs d’une de ses installations, il est primordial pour tout organisme public, particulièrement pour un établissement de santé et de services sociaux, d’assurer une continuité de service à ses clients ou ses usagers. Malheureusement, il arrive trop souvent que ces espaces ne soient pas livrés par le promoteur retenu à la date prévue à l’échéancier.
Il peut en découler des conséquences importantes pour l’établissement puisque le terme du bail intervenu avec l’ancien propriétaire pour les espaces locatifs qu’il désire quitter, peut alors être expiré.
L’établissement dispose tout de même de moyens juridiques pour s’assurer du respect de l’échéancier convenu quant à la livraison des locaux.
En effet, le promoteur qui ne respecte pas l’échéancier est généralement responsable du préjudice causé à l’établissement par ce retard1. Un moyen efficace qui peut être invoqué pour forcer le promoteur à travailler avec diligence à cette fin, est d’inclure une clause pénale dans les documents d’appel d’offres.
Lors d’un appel d’offres public pour trouver de nouveaux espaces locatifs pour l’une de ses installations, l’établissement doit inclure la formule de bail type et les autres documents standard qui sont consignés dans le Guide sur la gestion des locations d’immeubles dans le secteur de la santé et des services sociaux du ministère de la Santé et des Services sociaux2.}.
Ces documents contiennent une clause pénale dans le cas où le promoteur ne respecte pas la date de livraison des lieux, qui se lit comme suit :
« Si les lieux ne sont pas livrés conformément aux documents d’appel d’offres et à la date prévue, l’Adjudicataire paiera, pour chaque retard, une somme équivalente à deux jours de loyer en fonction du coût total annuel proposé apparaissant à la “Formule de proposition” déposée par l’Adjudicataire, ainsi que les frais réels encourus par le Re- quérant pour obtenir des locaux temporaires pendant la période de défaut de l’Adjudicataire; le tout sous réserve des autres droits et recours du Requérant. Le Requérant pourra, à titre de compensation et sans autre formalité, retenir la pénalité pour retard dans la livraison à même le loyer du bail à intervenir entre le Requérant et l’Adjudicataire pour la location des lieux. »
Une clause pénale a l’avantage d’éviter pour l’établissement d’avoir à prouver le préjudice.
Une clause pénale a l’avantage d’éviter à l’établissement d’avoir à prouver le préjudice qu’il a subi en cas de retard, tel que le prévoit l’article 1623 alinéa 1 C.c.Q.3.
Il peut effectivement être difficile pour un établissement public de chiffrer l’ensemble du préjudice réellement subi alors que les membres de son équipe de gestion ont dû gérer en catastrophe une situation problématique au lieu de vaquer à leurs occupations habituelles.
Le promoteur pourrait, quant à lui, invoquer l’article 1623 alinéa 2 C.c.Q. afin de réduire le montant d’une éventuelle condamnation « si l’exécution partielle de l’obligation a profité au créancier ou si la clause est abusive. »
À titre d’exemple jurisprudentiel provenant du secteur privé qui donne plein effet à une clause pénale, la Cour supérieure, dans l’affaireWinners Merchants inc.4, a condamné le locateur à verser au locataire une somme d’environ 300 000 $ en remboursement de loyers reçus sous protêt, et ce en raison d’un retard de 92 jours dans la livraison des lieux.
La Cour avait rejeté l’argument du locateur qui prétendait que la clause pénale était abusive. Il s’agissait, selon la Cour, de la réclamation d’un droit légitime négocié. La preuve avait d’ailleurs révélé que cette clause avait pour but de fournir la motivation nécessaire au locateur pour assurer le respect du délai de livraison convenu et pour compenser le locataire des pertes de profits durant la période de retard.
CONCLUSION
Le promoteur tentera nécessairement de blâmer l’établissement pour justifier son retard afin d’éviter l’application de la clause pénale et d’avoir à lui débourser des dommages et intérêts qui peuvent s’avérer très élevés.
Il y a donc lieu de toujours bien documenter le dossier.
Il y a donc lieu de toujours bien documenter le dossier tout au cours de la construction des espaces locatifs ou de la réalisation des travaux d’aménagement.
L’envoi d’une lettre formelle au promoteur s’avère parfois nécessaire afin de lui rappeler les conséquences de son retard et la nécessité de prendre les mesures appropriées afin de respecter l’échéancier. Le rappel de l’application de la clause pénale pourrait particulièrement être efficace à cet égard.
L’application d’une telle clause ne mènera pas nécessairement à une poursuite de l’établissement contre le promoteur si ce dernier ne parvient pas ultimement à respecter son obligation de livrer à la date prévue. Elle pourrait à tout le moins être utile à des fins de négociations afin de parvenir à un règlement satisfaisant pour les parties.