Introduction

Le dossier d’un usager détenu par un établissement de santé et de services sociaux fait l’objet de nombreuses protections législatives en ce qui concerne sa confidentialité, et ce principe a été rappelé et appliqué à maintes reprises par les tribunaux québécois.

Si la confidentialité du dossier d’un usager est un concept en théorie clair et non équivoque, en pratique, dans certaines situations, les intervenants, même les plus aguerris, peuvent se méprendre et violer ce principe fondamental.

Notamment, de tels accrocs peuvent survenir au cours d’échanges entre les membres du personnel d’un établissement dans un lieu ou un contexte ne permettant pas d’assurer la confidentialité des informations communiquées.  La Cour du Québec a récemment eu à rendre une décision où la confidentialité d’informations médicales concernant une usagère était en cause dans le cadre d’un dossier de la chambre criminelle et pénale.

La Reine c. Snider, 2015 QCCQ 4286

Dans cette affaire, l’accusée, Stacey Snider, avait été escortée par deux policiers à l’hôpital après avoir été victime d’un accident de la route. Alors qu’elle était inconsciente, les policiers sont demeurés à son chevet pendant quatre heures et ont assisté à une scanographie, à la prise de rayons X et à l’agrafage de son visage. À cette occasion, les policiers ont intercepté une information selon laquelle au moment de l’accident, Mme Snider, qui était au volant, avait bu. Cette information a été confirmée par la coordonnatrice à la salle d’urgence. Les policiers ont par la suite obtenu un mandat de perquisition des échantillons de sang prélevés et une ordonnance de communication du dossier médical.

Or, au moment d’être amenée à l’hôpital, Mme Snider n’était pas soupçonnée, détenue ou enquêtée. La présence des policiers n’était pas requise au chevet de celle-ci.

Constatant la violation des droits fondamentaux de Mme Snider et soulignant le principe de la confidentialité des renseignements contenus à un dossier médical, la Cour du Québec, sous la plume de l’Honorable juge Thierry Nadon, a invalidé le mandat de perquisition et l’ordonnance de communication du dossier médical, a exclu la preuve ainsi obtenue et a acquitté Mme Snider de l’accusation de conduite avec les facultés affaiblies qui avait été portée contre elle.

Non seulement dans sa décision le tribunal souligne-t-il que la curiosité mal placée et les questions posées malgré la connaissance de la violation de la confidentialité par les policiers ont rendu leurs gestes graves, mais il ajoute également que le manquement au droit à la confidentialité du personnel hospitalier a contribué à la gravité de la conduite.

Commentaires

Le droit à la vie privée fait l’objet de nombreuses protections législatives au Québec. La Charte des droits et libertés de la personne (RLRQ, c. C-12) consacre le droit à la vie privée de chaque personne (art. 5) ainsi que le droit au respect du secret professionnel (art.9). Un chapitre du Code civil du Québec (RLRQ, c. C-1991, art. 35 à 41) est également consacré à des dispositions concernant le respect de la vie privée des personnes.

Le dossier d’un usager détenu par un établissement de santé et de services sociaux fait quant à lui l’objet de dispositions législatives spécifiques. En effet, l’article 19 de la Loi sur les services de santé et les services sociaux  (RLRQ, c. S-4.2, ci-après la « LSSSS ») consacre le principe de la confidentialité du dossier d’un usager :

« 19. Le dossier d’un usager est confidentiel et nul ne peut y avoir accès, si ce n’est avec le consentement de l’usager ou de la personne pouvant donner un consentement en son nom. Un renseignement contenu au dossier d’un usager peut toutefois être communiqué sans son consentement(…) »

Il existe des exceptions à ce principe, notamment la communication de renseignements pour prévenir un acte de violence, dont un suicide (art. 19.0.1 LSSSS), et celles-ci doivent être appliquées restrictivement.

Les codes de déontologie des professionnels de la santé prévoient également l’obligation de protéger les informations confidentielles obtenues dans le cadre de leur pratique par exemple, le Code de déontologie des infirmières et infirmiers (RLRQ, c. I-8, r. 9, art. 31 à 36) et le Code de déontologie des diététistes, (RLRQ, c. C-26, r. 97, art. 24 à 29).

Ce respect de la confidentialité va au-delà de la non-divulgation d’informations confidentielles à des membres de la famille d’un usager, à un journaliste, à un policier ou à tout autre tiers ; il implique une discrétion continue quant aux services rendus à un usager.

Les conversations entre les membres du personnel d’un établissement concernant un usager qui ne s’inscrivent pas dans le cadre de la prestation de soins et de services, constituent du commérage et sont à proscrire. D’ailleurs, plusieurs codes de déontologie prévoient l’obligation à une telle discrétion, notamment celui des infirmières et des infirmiers :

« 36.  L’infirmière ou l’infirmier doit éviter de tenir ou de participer à des conversations indiscrètes au sujet d’un client et des services qui lui sont rendus. »

Également, les échanges entre les membres du personnel où des informations confidentielles sont communiquées doivent se faire dans un lieu et dans un cadre permettant d’éviter la diffusion des informations à des personnes ne pouvant les recevoir.

Finalement, la prudence est de mise dans la transmission d’informations à des tiers, même si ceux-ci sont des membres de la famille proche d’un usager ou s’ils sont des personnes en autorité, tels des membres d’un corps policier. En effet, des règles particulières sont propres à chacune de ces situations qu’il convient d’appliquer avec rigueur.

Conclusion

La décision La Reine c. Snider nous rappelle que la vigilance et la discrétion de l’ensemble des membres du personnel d’un établissement de santé et de services sociaux sont de mise afin d’assurer le respect à la vie privée des usagers et la confidentialité de leurs renseignements personnels, et ce, même dans un contexte où le demandeur d’information est un policier en service.

La présente chronique ne constitue pas un avis juridique et a été rédigée uniquement afin d’informer les lecteurs. Ces derniers ne devraient pas agir ou s’abstenir d’agir en fonction uniquement de cette chronique. Il est recommandé de consulter à cette fin leur conseiller juridique. © Monette Barakett SENC. Tous droits réservés. La reproduction intégrale et la distribution de cette chronique sont autorisées à la seule condition que la source y soit indiquée.