Par Me Stéphanie Rainville et Sissi Querido
Dans l’affaire FIQ — Syndicat des professionnelles en soins de santé de l’Ouest-de-l’île-de-Montréal (FIQ — SPSSODIM) c. Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux de l’Ouest-de-l’île-de-Montréal (CIUSSS), 2022 QCCA 234, la Cour d’appel se positionne sur la portée de la compétence d’un arbitre de griefs en matière de création de postes dans une unité d’accréditation différente de celle ayant déposé la plainte.
En février 2016, une plainte de fardeau de tâches (surcharge de travail) a été déposée par l’unité d’accréditation comprenant les infirmières et infirmières auxiliaires (catégorie 1). Suivant plusieurs mois de négociation et méditation, la plainte est déférée à l’arbitrage. L’arbitre conclut à l’existence d’un fardeau de tâches et ordonne notamment la création de 1.4 postes d’infirmières auxiliaires et de 8.2 postes de préposées aux bénéficiaires (PAB). Toutefois, les PAB ne font pas partie de l’unité d’accréditation ayant déposé la plainte (ils font partie de la catégorie 2).
L’employeur demande à la Cour supérieure de réviser la décision dans le cadre d’une demande de pourvoi en contrôle judiciaire, notamment afin de déclarer que l’arbitre n’avait pas la compétence pour ordonner la création de postes dans une unité d’accréditation distincte de celle ayant déposé la plainte. Le juge de la Cour supérieure donne raison à l’employeur, mais pour des motifs différents. La partie syndicale obtient l’autorisation de la Cour d’appel d’en appeler de la décision de la Cour supérieure.
Concrètement, la Cour d’appel devait déterminer si l’arbitre pouvait, afin de solutionner la question de fardeau de tâches, ordonner la création de postes de PAB, soit des salariés non visés par le certificat d’accréditation des infirmières et infirmières auxiliaires et donc non visés par la convention collective applicable au syndicat requérant.
Dans son jugement, la Cour d’appel reprend les arguments de l’employeur et rappelle que la compétence de l’arbitre est balisée par la loi et par la convention collective applicable aux parties devant lui :
[106] Le périmètre juridictionnel de l’Arbitre était limité à contrôler le respect des dispositions de la convention collective découlant de la plainte formulée par les salariées infirmières et infirmières auxiliaires au sujet du fardeau de leurs tâches. Si la personne-ressource était libre de formuler des recommandations dépassant le cadre de la plainte, l’Arbitre quant à lui, ne pouvait les avaliser que dans les limites de sa propre compétence, encadrée par la loi (le C.t.) et la convention collective.
La Cour d’appel conclut donc que les pouvoirs de l’arbitre l’autorisaient à ordonner la création de postes d’infirmières et infirmières auxiliaires, mais non pas d’exiger de créer des postes visés par une unité d’accréditation différente. En rendant une telle décision, l’arbitre a outrepassé ses pouvoirs et a élargi sa compétence au-delà de ce que le législateur et les parties ont souhaité, rendant déraisonnable cet aspect de sa décision.
Cette décision clarifie ainsi la portée des pouvoirs d’un arbitre quant aux mesures possibles afin de remédier à une surcharge de travail/fardeau de tâches. En effet, dans quelques décisions antérieures, les arbitres avaient effectivement ordonné la création de postes dans des unités d’accréditation différentes de celle ayant déposé la plainte.