Le 25 septembre dernier, la Cour d’appel du Québec1 a rejeté l’appel d’une succession qui refusait de payer les frais d’hébergement, prétendant que cette dette était prescrite en vertu de l’article 520 de la Loi sur les services de santé et les services sociaux2 qui édicte que « toute action en recouvrement de la contribution d’un usager se prescrit par trois ans de la date de son exigibilité.»

Les faits de cette affaire sont les suivants : G.T. a été hébergée du 12 juin 1995 jusqu’au 13 juin 2003 à l’Institut universitaire de gériatrie de Montréal (« l’IUGM »).

Le 24 mai 1996, la Cour supérieure du Québec a nommé le Curateur public du Québec (le « Curateur ») curateur de G.T.

Dès le début de son administration, le Curateur constate qu’il ne peut acquitter la contribution mensuelle de G.T. puisque cette dernière a été dépossédée de tous ses actifs par son mari. Il entreprend alors diverses procédures judiciaires afin de récupérer les actifs et obtient ainsi l’annulation du mariage et l’annulation du testament, fait très rare quand la personne n’est pas décédée. Le Curateur obtiendra un jugement contre le mari pour une somme de 150 000 $, mais qui ne sera jamais exécuté vu l’impossibilité de retracer le mari.

De 1996 à 1998, les paiements de la contribution mensuelle ne sont pas faits par le Curateur. Ils commenceront en janvier 1999, suite à l’obtention de la pension de la sécurité de la vieillesse. Le Curateur exige alors que les paiements faits à compter du 1er janvier 1999 soient imputés à la contribution courante plutôt qu’aux arrérages. G.T. décède le 13 juin 2003 alors que la somme due de 1996 à 1998 n’est toujours pas payée. La succession, après plusieurs demandes de justification de cette dette de 20 743 $, refuse de la payer plaidant qu’elle est prescrite.

La Cour du Québec3 accueille la réclamation de l’IUGM au paiement de la dette de 1996 à 1998 plus les intérêts. Elle considère, en effet, que le Curateur a toujours représenté à l’IUGM qu’il serait payé dès qu’il recevrait les sommes nécessaires. Ces diverses confirmations constituent des reconnaissances de dette qui ont interrompu la prescription de trois ans prévue à l’article 520 LSSSS pour réclamer les sommes.

En effet, le Curateur a, dans tous les bilans annuels transmis à la famille, indiqué cette créance de l’IUGM. De plus, le Curateur a demandé annuellement une confirmation du compte à payer à l’IUGM. Ce dernier a aussi appliqué, en juillet 2002 et au moment du décès, les sommes qu’il détenait dans le compte en fiducie au paiement des arrérages. La Cour considère que ces paiements ont été faits à la connaissance et avec le consentement du Curateur et qu’ils ont eu également pour effet d’interrompre la prescription.

Par ailleurs, le Curateur a assuré à l’IUGM qu’il allait être remboursé en 2003. Finalement, G.T., avant son décès, est devenue héritière d’une succession et le Curateur a écrit au liquidateur de cette succession afin d’obtenir en priorité un paiement pour rembourser les frais d’hébergement. Cependant, G.T. est décédée avant que cette succession ne puisse être liquidée.

La Cour considère ainsi que les gestes posés par le Curateur constituent des reconnaissances de dette faites pendant son administration et qu’il ne s’agit pas d’un acte de renonciation. En effet, le Curateur n’aurait vraisemblablement pas le pouvoir de renoncer à une dette prescrite. Il peut cependant, en cours de prescription, reconnaître la dette et alors la prescription de trois ans recommence à courir.

La succession avait appelé en garantie le Curateur pour prendre son fait et cause. La succession prétendait que le Curateur avait manqué à ses devoirs en ne payant pas les frais d’hébergement dus entre 1996 et 1998 et en imposant à l’IUGM l’obligation d’imputer le paiement aux contributions mensuelles courantes et non aux arrérages. La Cour du Québec a jugé que le Curateur avait agi dans l’intérêt de sa pupille et a rejeté l’action en garantie.

La succession s’est donc pourvue en appel. La Cour d’appel, à l’unanimité, confirme le jugement de la Cour du Québec à l’effet que la prescription avait toujours été interrompue par les reconnaissances de dette effectuées par le Curateur.

Cette décision constitue une première. Elle pourra s’avérer utile lorsqu’une succession ou toute autre personne invoquera la prescription pour refuser de payer une dette.

Il est donc bien important, lorsqu’une dette s’accumule, d’obtenir la confirmation écrite que cette dette sera payée et ainsi s’assurer que la prescription de trois ans a été interrompue et qu’elle a recommencé à courir. Autrement, seul le dépôt d’une procédure judiciaire interrompra la prescription.

En terminant, un conseil : si vous voulez éviter ce genre d’ennui, opposez-vous à ce que les paiements soient imputés aux contributions mensuelles courantes au lieu de l’être aux arrérages et ce, malgré la volonté du débiteur4, qu’il s’agisse du Curateur public du Québec ou d’une autre personne. Vous mettrez ainsi toutes les chances de votre côté afin d’empêcher que la dette ne se prescrive !

La présente chronique ne constitue pas un avis juridique et a été rédigée uniquement afin d’informer les lecteurs. Ces derniers ne devraient pas agir ou s’abstenir d’agir en fonction uniquement de cette chronique. Il est recommandé de consulter à cette fin leur conseiller juridique. © Monette Barakett SENC. Tous droits réservés. La reproduction intégrale et la distribution de cette chronique sont autorisées à la seule condition que la source y soit indiquée.