Le ministre du Travail, de l’Emploi et de la Solidarité sociale a manifesté son intention de procéder à une refonte des lois en matière de santé et de sécurité au travail, axée notamment sur la prévention et les lésions de nature psychologique.

Il ne s’agit toutefois pas d’un nouveau dossier. La réforme du régime législatif en matière de santé et de sécurité du travail a tenu les acteurs du milieu de la santé et de la sécurité du travail occupés depuis maintenant près d’une décennie. Ainsi, bien que nous ne sachions avec précision sur quoi portera une éventuelle réforme du régime de santé et sécurité du travail, nous pouvons tout de même souligner les enjeux qui préoccupent le monde du travail à ce sujet, et qui pourraient recevoir une oreille attentive de la part du législateur.

La prévention des lésions professionnelles

Il ne fait aucun doute que la prévention sera un enjeu lors de la réforme législative à venir. Pensons d’abord à la prévention en matière de lésions psychologiques. Cet aspect n’est actuellement pas spécifiquement couvert par la Loi sur la santé et la sécurité du travail (LSST), si ce n’est que par le biais des obligations générales des articles 49 et 51. Il sera intéressant de voir comment cet enjeu sera abordé par le législateur. Quant aux mécanismes de prévention, la plupart des acteurs du monde du travail s’entendent pour dire qu’une mise-à-jour s’impose, la situation étant la même depuis 1979, alors que la réalité du travail a grandement changé depuis. La vision des intervenants patronaux et syndicaux sur la façon appropriée de revoir les mécanismes de prévention diffère sur plusieurs points. Il sera donc intéressant de voir comment le législateur abordera cette question.

Les règles relatives à l’admissibilité des lésions professionnelles

Un autre enjeu, soulevé majoritairement par les acteurs patronaux, est la révision des règles relatives à l’admissibilité des lésions professionnelles. En effet, à la suite de l’affaire Boies rendue en 2011, l’application de la présomption de l’article 28 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (LATMP) a été modifiée de sorte que certains acteurs, jugeant que l’interprétation de l’article 28 élargit indûment l’application de la présomption, estiment que des précisions devraient être apportées par le législateur, notamment quant à la définition de « blessure » aux fins de l’application de la présomption.

La prépondérance de l’avis du médecin qui a charge du travailleur

Également en matière de réparation, le rôle du médecin qui a charge du travailleur pourrait être un enjeu soulevé par certains intervenants. Pour certains, le fait que la CNESST soit liée par l’opinion du médecin traitant du travailleur, sous réserve d’un avis du Bureau d’évaluation médicale, entraîne des conséquences néfastes sur la chronicité des lésions professionnelles. Il sera donc intéressant de voir si le législateur décide de modifier cet aspect de la loi, sachant que cette vision patronale n’est généralement pas partagée du côté syndical. Le législateur souhaitera-t-il s’inspirer par exemple du régime d’indemnisation des accidents d’automobile ou encore de celui de Retraite Québec en matière de prestations d’invalidité, dans lesquels le rôle du médecin traitant est plus limité? Le rôle des médecins régionaux de la Commission pourrait peut-être se voir bonifier.

L’encadrement des traitements de physiothérapie et d’ergothérapie

La prépondérance de l’opinion du médecin traitant soulève également la question des traitements, ce qui constitue un enjeu pour plusieurs intervenants en santé et sécurité du travail. En effet, le Québec obtient la palme en matière de quantitié de traitements pour les lésions professionnelles. La loi ne fixe aucune limite quant au nombre de traitements autorisés. Ainsi, il n’est pas rare de voir des centaines de traitements de physiothérapie et d’ergothérapie pour une simple entorse lombaire. Au-delà de l’impact considérable sur l’augmentation des coûts d’une lésion, un nombre élevé de traitements peut avoir des effets néfastes pour le travailleur en créant, une fois de plus, une chronicisation des conditions médicales, le tout alors que les traitements n’occasionnent aucune amélioration concrète de la situation. Dans certains cas, des experts identifient même un phénomène de victimisation, entraînant des conséquences au plan psychologique. Depuis longtemps, la possibilité de limiter le nombre de traitements à environ une vingtaine/trentaine est soulevée par différents intervenants. Selon cette proposition, au-delà de ce nombre, le médecin devrait justifier les traitements supplémentaires. Une telle approche obligerait la CNESST à exercer un contrôle accru sur le nombre de traitements et refuser de les payer si les justifications ne sont pas suffisantes.

Les règles relatives à l’emploi convenable

À la suite de l’arrêt Caron, il y a fort à parier que des ajustements et des précisions pourraient être apportés à la loi afin de mettre en œuvre les enseignements de la Cour suprême encadrant la détermination de l’emploi convenable au terme du processus de réadaptation. Les rôles du travailleur, de la CNESST et de l’employeur pourraient être plus spécifiquement détaillés. Dans le contexte où l’employeur doit dorénavant procéder à un exercice d’accommodement au sens de la Charte des droits et libertés de la personne, les critères pour déterminer ce qui constitue un emploi convenable pourraient également être abordés par le législateur.

Ce ne sont-là que quelques-uns des enjeux qui pourraient faire l’objet de modifications législatives. Selon ce que nous pouvons lire de l’actualité, un projet de loi pourrait voir le jour dès l’automne.

Monette Barakett a été un pionnier du droit de la santé et de la sécurité du travail au Québec et continue de se tenir à l’avant-garde des tendances en cette matière. Continuez de nous suivre pour connaître tous les développements.

La présente chronique ne constitue pas un avis juridique et a été rédigée uniquement afin d’informer les lecteurs. Ces derniers ne devraient pas agir ou s’abstenir d’agir en fonction uniquement de cette chronique. Il est recommandé de consulter à cette fin leur conseiller juridique. © Monette Barakett SENC. Tous droits réservés. La reproduction intégrale et la distribution de cette chronique sont autorisées à la seule condition que la source y soit indiquée.