Un travailleur doit se soumettre à un examen médical demandé par la CSST
Commission de la santé et de la sécurité du travail c. Commission des lésions professionnelles, 2012 QCCS 3007. Requête pour permission d’appeler, 2012-07-20 (C.A.), 200-09-007769-125.
Dans le cadre d’une réclamation pour une rechute, récidive ou aggravation (ci-après, une « RRA »), un travailleur a déposé une expertise et un rapport complémentaire rédigés par son médecin afin de parfaire sa preuve. L’existence d’un lien entre une ancienne chirurgie et la RRA alléguée était un élément important au litige. Le travailleur a refusé de se soumettre à un examen requis par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (ci-après, la « CSST »). La Commission des lésions professionnelles (ci-après, la « CLP ») a refusé d’ordonner au travailleur de se soumettre à un tel examen. La Cour supérieure a renversé cette décision et a ordonné au travailleur de subir un examen médical par le médecin qui sera désigné par la CSST. La Cour a ordonné à la CLP de surseoir à l’audition de la contestation du travailleur. De l’avis de la Cour, la CSST a été privée de son droit fondamental de contredire un élément de preuve essentiel et déterminant sur l’issue du litige.
Une suspension de l’IRR d’un travailleur ayant quitté le Québec
Cochonnailles Champenoises et Petit Renaud, 2012 QCCLP 5865.
Un travailleur a quitté le Québec pour retourner dans son pays d’origine pendant la période de consolidation de sa lésion professionnelle, en application d’une entente internationale. L’employeur a été informé 10 jours avant la date de départ prévue. Il a rapidement demandé une assignation temporaire et retenu les services d’un médecin expert pour un examen. Le travailleur a quitté le pays et n’a pas transmis de preuve de son suivi médical et de ses traitements. L’employeur a demandé que le versement de l’indemnité de remplacement du revenu (ci-après l’« IRR ») soit suspendu, en application de l’article 142 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (L.R.Q., c. A-3.001, ci-après, la « LATMP »), pour la période entre son départ à l’étranger et la consolidation de la lésion professionnelle. En résumé, le travailleur n’a pas respecté ses obligations et n’a pas collaboré avec la CSST alors que l’employeur a été privé de ses droits en raison du départ rapide. En raison de ces circonstances particulières, la CLP a accordé exceptionnellement une suspension rétroactive du versement de l’IRR.
Un employeur obéré injustement par le versement d’une IRR après le congédiement
Iron Mountain Canada Corporation, 2012 QCCLP 5958.
Un travailleur ayant subi un accident du travail a repris son travail régulier, tout en recevant des traitements. Environ un mois plus tard, il a été congédié. L’employeur lui reprochait notamment des manquements aux règlements et procédures de l’entreprise. Il avait déjà reçu 5 avertissements écrits et été suspendu à 3 reprises pour des motifs similaires. La CSST a repris le versement de l’IRR, jusqu’à la date de consolidation de sa lésion. L’employeur a demandé un transfert de coût pour l’IRR versée au travailleur après la rupture du lien d’emploi. La CLP a conclu que l’employeur avait des motifs pour procéder à ce congédiement et qu’il est injuste qu’il ait à supporter le coût de l’IRR versée au travailleur. Ces coûts étant significatifs par rapport à l’ensemble des coûts découlant de l’accident du travail en cause, la demande de l’employeur a été accueillie.
L’accès aux dossiers médicaux : quelles sont les limites?
Ganotec inc. et Charbonneau, 2012 QCCLP 4063.
Dans le cadre d’une contestation de l’admissibilité d’une réclamation, l’employeur a demandé à la CLP l’accès aux dossiers médicaux et aux notes de consultation relativement « à une ou des lésions à la main droite du travailleur », à la liste complète des hôpitaux ou autres établissements de santé consultés par le travailleur « pour une ou des lésions à la main droite ». Il a subséquemment demandé d’ordonner aux établissements ainsi identifiés de lui fournir une copie complète de tout dossier médical du travailleur pour une lésion à la main droite.
La CLP a décidé que la demande, telle que formulée, avait toutes les apparences d’une partie de pêche et semblait servir à alimenter une demande de transfert d’imputation de coûts. La CLP a considéré que l’employeur est justifié d’avoir accès à la note de triage remplie le jour de l’accident, au dossier médical du travailleur pour toute consultation concernant sa main droite au cours des deux semaines précédant l’accident et à un dossier relatif à une blessure à la main survenue il y a une dizaine d’années. Selon les experts au dossier, cette blessure serait à la base de l’arthrose sévère dont était manifestement porteur le travailleur avant son accident chez l’employeur. La CLP a aussi permis l’accès aux notes de triage et à toutes les notes de consultation relatives à la blessure subie lors de l’accident.
Le médecin traitant : un témoin expert?
Parkway Pontiac Buick inc. et Saint-Pierre, 2012 QCCLP 3974.
La CLP devait déterminer si le médecin traitant du travailleur pouvait se voir reconnaître le statut d’expert. La reconnaissance du statut d’expert permet à cette personne de livrer un témoignage d’opinion plutôt qu’un témoignage ordinaire, c’est-à-dire en se limitant à rapporter les faits dont il a personnellement eu connaissance. La CLP a estimé que le médecin traitant n’a pas à se voir reconnaître le statut d’expert pour pouvoir témoigner sur la relation causale entre le diagnostic et le fait accidentel. Ce médecin joue un rôle important quant à la détermination du diagnostic. Pour se faire, il doit prendre en compte divers éléments, soit les antécédents du travailleur, les symptômes, le contexte à l’intérieur duquel ceux-ci sont apparus. Par conséquent, cette démarche constitue l’opinion du médecin sur l’état du travailleur. Selon la CLP, il serait paradoxal d’empêcher le médecin traitant d’expliquer la démarche effectuée pour poser le diagnostic, ce processus impliquant nécessairement une analyse de la causalité. Ainsi, le témoignage du médecin traitant sur la causalité est recevable en preuve.
La notion de handicap : quel est le rôle du médecin expert?
Brasserie Labatt ltée, 2012 QCCLP 4474.
La CLP devait statuer sur une demande de partage de l’imputation en vertu de l’article 329 de la LATMP. L’employeur prétendait que le travailleur, âgé de 47 ans, était atteint d’une maladie discale dégénérative multiétagée constituant une déficience hors de la norme biomédicale. La CLP a estimé qu’il ne lui avait pas été démontré, par une preuve prépondérante, que le travailleur était porteur d’une déficience lors de l’accident. Le témoignage du médecin de l’employeur, à l’effet que cette déficience était déjà existante et hors de la norme biomédicale, n’a pas été retenu. La CLP a précisé qu’il ne suffit pas pour un employeur de produire de la littérature médicale sans en expliquer la méthodologie, sa pertinence et sa valeur scientifique. Le dépôt de littérature n’oblige pas la CLP à analyser en profondeur une étude. L’expert doit commenter la littérature, en faire ressortir la valeur probante et les points qu’il désire montrer au tribunal, ce qui n’a pas été fait. La demande de l’employeur a été rejetée.
Auto boulevard St-Martin inc, 2012 QCCLP 3542.
La CLP a conclu que l’employeur a démontré par une preuve prépondérante que le travailleur présentait une déficience lors de l’apparition de la lésion professionnelle. Cependant, la requête de l’employeur a été rejetée parce qu’il n’a pas fait la preuve que cette déficience a eu un impact sur la survenance et les conséquences de la lésion professionnelle. Premièrement, la CLP a pris en considération le fait que les arrêts de travail ont été entrecoupés de périodes d’assignation temporaire. Deuxièmement, l’expert de l’employeur n’a pas expliqué comment la déficience a pu avoir une incidence sur la survenance ou la gravité de la lésion professionnelle. La CLP a précisé qu’une simple affirmation du médecin expert, qui n’est pas étayée, ne peut constituer une preuve prépondérante.
Le motif raisonnable : une question de circonstances…
Compagnie A et CSST-Montérégie, 2012 QCCLP 4461.
Lorsqu’il s’agit d’une première demande de transfert d’imputation, l’article 352 de la LATMP permet à l’employeur de démontrer un motif raisonnable permettant de prolonger le délai d’un an. Ce sont les circonstances entourant la demande qui importent et non pas le temps écoulé avant de produire la demande.
La preuve a révélé que l’employeur a été diligent dans le suivi du dossier. Dès le moment où il a appris l’hospitalisation du travailleur, il a demandé une copie du dossier afin de connaître les raisons de cette hospitalisation. L’employeur était justifié d’attendre de connaître les raisons de l’hospitalisation du travailleur avant de déposer une demande de transfert de l’imputation des coûts afin d’éviter de déposer des demandes qui ne sont pas nécessairement fondées. La demande de l’employeur a été déclarée recevable.
L’erreur de la mutuelle : un motif raisonnable?
Pharmacie Jean Coutu enr. et CSST, 2012 QCCLP 3821.
L’employeur n’a pas présenté sa demande de transfert d’imputation dans le délai prévu par l’article 326 de la LATMP. L’employeur a invoqué l’erreur commise par son représentant, une mutuelle de prévention. La CLP a estimé qu’un mandat général existe entre l’employeur et la mutuelle. Par conséquent, cette dernière devient l’alter ego dudit employeur et la recherche d’un motif raisonnable afin de le relever de son défaut ne peut s’analyser en fonction de l’erreur du représentant. Sinon, cela aurait pour effet que les délais prévus à la loi ne seraient jamais opposables à un tel mandataire, ni à l’employeur à titre de mandant. La CLP a conclu que les employés du gestionnaire n’ont pas agi avec diligence afin de respecter le délai et a rejeté la requête de l’employeur.
LES BONNES PRATIQUES À ADOPTER
Afin de réussir dans ses différents recours, l’employeur doit s’assurer de respecter des délais prévus par laLoi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles et la Loi sur la santé et la sécurité du travail. Voici donc un rappel de certains délais.
Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, L.R.Q., c. A-3.001.
212.1 |
Demande de BEM |
30 jours de la date de la réception du rapport contesté |
358 |
Contestation d’une décision rendue par la CSST |
30 jours de sa notification |
359 |
Contestation à la CLP d’une décision rendue par la CSST à la suite d’une révision administrative |
45 jours de sa notification |
326 (2) |
Obérer injustement |
Dans l’année suivant la date de l’accident |
326 (2) |
Accident attribuable à un tiers |
Dans l’année suivant la date de l’accident |
329 |
Handicap préexistant |
Avant l’expiration de la troisième année qui suit l’année de la lésion professionnelle |
Loi sur la santé et la sécurité du travail, L.R.Q., c. S-2.1.
37.1 |
Contestation d’une décision de la CSST (retrait préventif) |
10 jours de sa notification |
37.3 |
Contestation d’une décision rendue par la CSST à la suite d’une révision administrative (retrait préventif) |
10 jours de sa notification |
191.1 |
Contestation d’un ordre ou une décision d’un inspecteur |
10 jours de sa notification |
193 |
Contestation d’une décision rendue par la CSST à la suite d’une révision administrative (ordre ou décision d’un inspecteur) |
10 jours de sa notification |