1. La Cour supérieure donne raison aux employeurs!

• Commission de la santé et de la sécurité du travail c. Commission des lésions professionnelles, 2013 QCCS 1289.

La décision rendue par une formation de trois juges administratifs de la CLP sur la question des frais de visites médicales postérieures à la consolidation a été l’objet d’une requête en révision judiciaire à la Cour supérieure déposée par la CSST. L’honorable juge Claude Bouchard a rejeté cette requête le 14 février 2013.

Rappelons que la CSST a invoqué que la CLP avait commis une erreur déraisonnable en se contredisant entre la décision sur l’objection préliminaire et la décision finale, principalement sur la notion de « relation » entre une visite médicale et le droit pour un travailleur de consulter un médecin, prévu à l’article 188 de la LATMP.

La CSST a toujours allégué que l’imputation d’une visite en vertu de l’article 326 LATMP découle du droit du travailleur de consulter un médecin. Elle a ajouté que la CLP (en division d’imputation où ne siège qu’un juge administratif) ne peut se prononcer sur la « relation » entre la visite médicale et la lésion professionnelle sans avoir un impact sur les droits des travailleurs.

La Cour supérieure n’a pas retenu ces arguments. La Cour a plutôt interprété la notion de « consolidation » pour analyser si une visite médicale est en « relation » avec la lésion professionnelle ou non. Le juge a écrit : « La CLP est aussi consciente que cet examen ne peut se faire dans l’abstrait, sans se demander si la prestation en cause est due en raison d’un accident du travail. » (paragraphe 50)

La Cour a retenu que la CSST, dans ses propres décisions, demande à l’employeur de démontrer que les visites médicales n’étaient pas en lien avec la lésion professionnelle. La Cour a écrit qu’« il ne faut pas s’étonner que la CLP, saisie d’un appel de ces décisions, se pose également les mêmes questions. » (paragraphe 52)

Quant au mécanisme d’imputation, la Cour a conclu que « la problématique vient du fait que le coût des visites médicales imputé aux employeurs après la consolidation l’est automatiquement, sans qu’une analyse ait été effectuée par la CSST ou même qu’une décision ait été rendue à cet effet. » (paragraphe 79)

La prétention de la CSST, qui laisse à penser qu’une décision implicite est rendue et que l’employeur en est informé par le rapport mensuel, a été écartée. Cette façon de faire fait fi de la décision finale rendue par la CSST ou la CLP stipulant qu’une lésion est consolidée sans atteinte permanente ni limitations fonctionnelles. Or, cette décision sur la consolidation doit avoir un sens et causer des effets.

Monette Barakett est fière d’avoir initié cette démarche qui a donné lieu à une décision cadre en la matière. Nous verrons si la CSST modifiera ses politiques en conséquence et nous vous aviserons dans l’affirmative.

2. Les images captées par une caméra de surveillance sont-elles admissibles en preuve?

Dahdouh et Restaurant Les Maronniers et CSST, 2012 QCCLP 8172.

Le travailleur a déposé une réclamation suite à une importante coupure à un doigt. À son départ, le gérant de l’employeur a inspecté les tables de travail. Il a trouvé étonnant que le travailleur se soit blessé à la fin de sa tâche, approximativement une heure après une rencontre disciplinaire avec l’employeur.  Il a décidé de visionner les images captées par une caméra installée quelques mois auparavant dans la cuisine. L’enregistrement vidéo a montré que le travailleur s’est vraisemblablement volontairement coupé le doigt avec un couteau. L’employeur a voulu mettre en preuve les images captées devant la CLP, ce à quoi s’est objecté le travailleur.

La caméra avait été installée pour la surveillance générale des lieux et permettait d’accéder aux images à distance. Des affiches indiquant sa présence ont été installées.  La CLP a retenu que le travailleur ne s’était pas opposé à la surveillance par la caméra, préalablement à son accident, et que ses expectatives de vie privée étaient minimales dans le milieu de travail. Il n’y a donc pas eu de violation à une liberté ou à un droit fondamental, ni atteinte à sa vie privée.  De plus, l’exclusion de cette preuve aurait eu pour effet de déconsidérer l’administration de la justice.  La preuve des images captées par la caméra a donc été déclarée recevable. La captation d’images est permise quand il n’y a pas de captation de la voix.

3. Facebook : est-ce que toute information est recevable en preuve?

Campeau et Services alimentaires Delta Dailyfood et CSST, 2012 QCCLP 7666.

La CLP était saisie de litiges portant sur la relation entre des nouveaux diagnostics et un événement, plusieurs sujets médicaux ainsi que la détermination d’un emploi convenable. Afin de trancher ces contestations, la CLP a notamment dû déterminer la recevabilité en preuve du profil « Facebook » d’une travailleuse. L’accès à ce compte a été obtenu par une représentante de l’employeur qui a créé un compte fictif, avec un profil susceptible d’attirer l’attention de la travailleuse. Pour se faire, elle a utilisé des informations personnelles et confidentielles. La travailleuse avait activé la protection « privée ». Lorsque la travailleuse a accepté cette « amie », la représentante a eu accès à l’ensemble des conversations et informations depuis les 12 derniers mois. Elle y a retrouvé quelques déclarations laconiques de la travailleuse, prises hors contexte et qui n’infirment pas son témoignage, selon la CLP.

Le caractère public de l’information provenant de « Facebook » est généralement reconnu, lorsque l’information est obtenue légalement.  Dans ce dossier, l’accès a été illicitement obtenu. Pour la CLP, il s’agit d’une atteinte grossière aux libertés garanties par la Charte des droits et libertés de la personne.  L’accès a été consenti suite à l’utilisation de moyens dolosifs et l’employeur n’avait aucune indication voulant qu’une situation frauduleuse se tramait.  L’unique but de la démarche a été l’espérance de trouver, de façon fortuite, un élément de preuve que l’employeur ne soupçonnait pas.  La CLP a conclu que le fait d’admettre en preuve ce profil aurait eu pour effet de déconsidérer l’administration de la justice.  La preuve a été déclarée irrecevable.

4. Qu’est-ce qu’un piège en application de l’article 326 LATMP?

Hôpital général Juif Sir Mortimer B. Davis, 2013 QCCLP 843.

L’Hôpital a loué un stationnement intérieur en raison de travaux de rénovation majeurs.  Il y a une porte pour entrer dans le stationnement en voiture et une deuxième pour en sortir.  Il y a une autre porte pour les livraisons et qui, en raison de sa hauteur, permet aux camions de charger ou décharger la marchandise.  Le 2 août 2011, des livraisons étaient prévues.  La porte du quai de livraison ne devait servir qu’aux livraisons et demeurer fermée.  Des cônes et une poubelle étaient placés à l’intérieur pour entraver l’accès.  Après une première livraison par un transporteur, un employé du stationnement constatait que la porte était ouverte.  Il l’a refermée puis a remis en place les cônes et la poubelle.  En fin de journée, trois portes étaient ouvertes et aucune signalisation n’indiquait un danger.  La travailleuse a emprunté la porte du quai de livraison pour sortir.  Sa voiture a chuté d’environ quatre pieds en contrebas.  Elle a subi des blessures et son automobile a été endommagée.

La CLP a décidé qu’il ne s’agit pas de risques inhérents pour un centre hospitalier.  Ces événements avaient un caractère exceptionnel, extraordinaire, inusité ou rare, assimilables à un piège ou un guet-apens.  Les coûts relatifs à cette lésion professionnelle ont été imputés aux employeurs de toutes les unités.

5. Quand une maladie intercurrente a-t-elle pour effet d’obérer injustement l’employeur?

– Centre hospitalier régional Trois-Rivières, 2012 QCCLP 7931.

Une préposée aux bénéficiaires a subi un accident du travail.  Un diagnostic d’entorse lombaire a été posé et une médication lui a été prescrite.  Elle a développé une réaction allergique à la médication.  Par la suite, elle n’a pas pris les médicaments comme prescrits, ayant peur d’une réaction allergique.  Elle a eu une lésion personnelle à l’épaule droite et une bronchite infectieuse.  Elle a aussi développé des symptômes reliés principalement à son diabète de type II incontrôlé.

Les facteurs extrinsèques à la lésion professionnelle ont eu un impact direct sur la période de consolidation.  Alors qu’une entorse lombaire se consolide généralement dans un délai de six semaines, la lésion professionnelle a été consolidée après 19 semaines.  La CLP a déclaré que le coût des prestations, reliées au versement de l’IRR, à compter de la septième semaine devait être transféré aux employeurs de toutes les unités, en application de l’article 326 LATMP.

6. Le régime rétrospectif et la notion d’obération, qu’en est-il?

– Centre hospitalier de l’Université de Montréal, 2013 QCCLP 710.

La travailleuse a subi une lésion professionnelle en janvier 2010.  Après quelques mois d’arrêt de travail, une assignation temporaire a été autorisée.  La lésion a été consolidée avec une atteinte permanente et des limitations fonctionnelles. L’assignation temporaire a continué, malgré la consolidation.  Environ 16 mois après l’événement, la travailleuse a dû s’absenter quelques semaines en raison d’une condition personnelle.  Elle a repris son assignation temporaire, avant de s’absenter de nouveau pour une lésion personnelle, du 8 au 19 octobre 2011.  La CSST a déclaré qu’elle était capable d’exercer un emploi convenable le 17 octobre 2011.

Après avoir analysé la politique de la CSST sur les conditions intercurrentes et les subtilités du régime rétrospectif, la CLP a déterminé que le calcul du ratio devait se faire de la façon suivante :

  • Différence entre le coût total de la lésion incluant les sommes versées pendant les maladies personnelles et le coût total de la lésion excluant les sommes versées pendant les maladies personnelles;
  • Divisée par le coût total de la lésion incluant les sommes versées pendant les maladies personnelles.

La CLP a considéré que cette méthode de calcul reflète l’impact réel du versement de l’IRR durant les maladies personnelles.  Une portion suffisante des coûts justifie la CLP d’accorder le transfert demandé par l’employeur.

La CLP a rappelé que lorsqu’un employeur choisit de soumettre des calculs du coût d’indemnisation, il doit s’assurer de fournir à la CLP les données telles qu’elles apparaîtront lors du calcul définitif après 48 mois.

LES BONNE PRATIQUES À ADOPTER

Un petit rappel : Il est capital d’identifier dès maintenant  les dossiers 2012 pour lesquels des IRR sont toujours versées, afin de ramener ces travailleurs au travail avant le 1er octobre prochain, soit le fameux « 8ième trimestre ».  Il ne faut toutefois pas oublier de gérer et de régler les dossiers 2010 et 2011 qui sont toujours actifs afin d’éviter l’application des facteurs de changement pour les 9ième au 16ièmetrimestres. Les pénalités imposées peuvent rapidement faire doubler, tripler, voire même quadrupler les coûts de vos lésions.

Si vous avez des interrogations à ce sujet, nous vous invitons à communiquer avec nous.

La présente chronique ne constitue pas un avis juridique et a été rédigée uniquement afin d’informer les lecteurs. Ces derniers ne devraient pas agir ou s’abstenir d’agir en fonction uniquement de cette chronique. Il est recommandé de consulter à cette fin leur conseiller juridique. © Monette Barakett SENC. Tous droits réservés. La reproduction intégrale et la distribution de cette chronique sont autorisées à la seule condition que la source y soit indiquée.