LA DÉPENDANCE AUX NARCOTIQUES RECONNUE COMME LÉSION PROFESSIONNELLE
Programme emploi service et Jeanine Joyal, CLP 319054-04B-0706, 337826-04B-801, 358585-04B-0809, 9 mars 2009, décision de MichelWatkins.

La travailleuse, une préposée aux bénéficiaires, s’est vue reconnaître une lésion professionnelle, soit une fracture par écrasement de D11, survenue lors du transfert d’une patiente de son lit à la chaise d’aisance. La lésion a été consolidée sans limitations fonctionnelles mais avec une atteinte permanente de 4%.

Compte tenu des allégations de douleur persistante, la condition de la travailleuse a nécessité la prise de narcotiques à forte dose (Duragesic ou Fentanyl, Statex, Dilaudid) pendant plus de deux ans. La preuve médicale a démontré que celle-ci a développé une dépendance à la médication narcotique.

La Commission des lésions professionnelles (ci-après CLP) considère que l’usage croissant de la médication a causé une nouvelle lésion chez la travailleuse lui occasionnant des limitations fonctionnelles qui l’empêchent de reprendre son emploi. Par conséquent, la travailleuse a droit à des indemnités de remplacement du revenu jusqu’à l’âge de 68 ans.

Comme la lésion a été reconnue en vertu de l’article 31 de la Loi sur les accidents du travail et des maladies professionnelles (L.R.Q., c. A-3.001, ci-après LATMP), soit une lésion due aux soins, l’employeur pourra demander une désimputation des coûts en vertu de l’article 327 LATMP.

EMPLOI CONVENABLE ET OBLIGATION D’ACCOMMODEMENT : LA COUR D’APPEL SE PRONONCE
Société des établissements de plein air du Québec c. Syndicat de la fonction publique du Québec, Cour d’appel, 200-09-005969, 19 février 2009, Jacques Chamberland, Yves-Marie Morissette, Nicole Duval Hesler, J.C.A.

Le travailleur avait subi une lésion professionnelle dont les limitations fonctionnelles reconnues l’empêchaient d’occuper son emploi prélésionnel et tous les autres postes disponibles chez l’employeur. Ni le travailleur, ni l’employeur n’avaient contesté la décision de la CSST relative à l’incapacité du travailleur d’occuper un poste chez l’employeur.

Le syndicat a par la suite déposé un grief réclamant la réintégration du travailleur dans son poste et le respect par l’employeur de son obligation d’accommodement. Selon la Cour d’appel, l’arbitre n’a pas com- pétence pour entendre un grief réclamant une réintégration avec accommodement dans l’emploi pré-lésionnel lorsque la CSST a conclu à l’incapacité du travailleur à reprendre son emploi ou tout autre emploi chez l’employeur. En effet, en vertu de l’article 349 LATMP, la CSST possède une compétence exclusive pour examiner et trancher toute question visée dans la loi. La Charte québécoise des droits et libertés de la personne (L.R.Q., c. C-12) n’autorise pas la double compensation pour une même situation factuelle ni ne crée un régime parallèle d’indemnisation.

DÉCISIONS RÉCENTES EN MATIÈRE DE HARCÈLEMENT PSYCHOLOGIQUE
Abdel-Hadi et Société Hôtelière Hunsons inc., CRT 119181, 20 février 2009, décision de Alain Turcotte, France Giroux et Susan Heap, juges administratifs.

Rappelons que la Loi sur les normes du travail (L.R.Q., c. N-1.1) prévoit la possibilité de déposer une plainte pour harcèlement psychologique et un mécanisme de suspension de la décision afin qu’il n’y ait pas dédoublement d’indemnités lorsqu’un dossier est ou sera entendu par la CLP.

La Commission des relations du travail (« CRT ») en révision a déterminé que malgré la coexistence de plaintes portées en vertu de la Loi sur les normes du travail et d’une réclamation pour lésion professionnelle, elle a compétence pour entendre tant la plainte pour harcèlement psychologique que celle pour congédiement injustifié. Ainsi, même s’il peut y avoir dédoublement de la preuve, la CRT a compétence et le refus d’entendre les parties constituerait une violation à la règle audi alteram partem.

Ovide Morin c. Lisette Morin Arpin et 9155-7785 Québec inc., CRT 235700, 23 février 2009, Pierre Flageole, Raymond Gagnon et Louis Grant, juges administratifs.

Dans cette affaire, la travailleuse a subi une lésion professionnelle pour laquelle elle bénéficiait d’une indemnité de remplacement du revenu suite à du harcèlement psychologique. La CRT en révision a déterminé que l’employeur ne pouvait être tenu de verser des dommages et intérêts punitifs et moraux, pour une période pendant laquelle la travailleuse touchait des prestations de la CSST en raison de sa lésion professionnelle découlant du même harcèlement psychologique.

L’IMPUTATION DES COUTS A L’ENSEMBLE DES EMPLOYEURS SUITE A DU HARCELEMENT SEXUEL
Compagnie A et C.C., CLP 358478-62C-0809, 6 mars 2009, Carmen Racine, juge administratif.

La travailleuse a subi une lésion professionnelle suite au harcèlement sexuel, dont des attouchements infligés par deux collègues de travail. L’employeur a procédé au congédiement des deux collègues estimant que de tels comportements ne pouvaient être tolérés au sein de son entreprise. L’employeur demande un transfert des coûts générés par la lésion de la travailleuse puisque, selon lui, la situation est extraordinaire et imprévisible et qu’elle déborde des risques qu’il doit assumer.

Selon la CLP, la notion d’« obérer injustement » de l’article 326 LATMP doit être interprétée de façon libérale. En l’espèce, la lésion professionnelle résulte d’un acte criminel qui, malgré l’acquittement des deux collègues devant les tribunaux judiciaires, déborde de ce qui est attendu dans un milieu de travail. Ainsi, il ne s’agit pas d’un risque qui devrait être assumé par l’employeur. D’ailleurs, l’employeur s’est conformé à la Loi sur la santé et la sécurité du travail (L.R.Q., c. S-2.1, ci-après LSST) en adoptant une politique visant à contrer de tels comportements ; il ne peut aller au-delà et agir de façon à empêcher les gestes. Toutefois, comme il l’a fait en l’instance, il peut réprouver les gestes et congédier les auteurs.

La situation vécue par la travailleuse constituait une infraction pénale qui ne peut être rattachée aux activités exercées par l’employeur. Il s’agit d’un phénomène de société et les coûts de la lésion professionnelle doivent être imputés aux employeurs de toutes les unités.

 

FINANCEMENT EN BREF

IL EST DÉJÀ TEMPS DE PENSER….À L’AUTOMNE!
Les bourgeons viennent à peine d’éclore et l’air commence tout juste à se réchauffer qu’il faut déjà commencer à prévoir comment se déroulera notre automne….en santé et sécurité du travail bien sûr.

Il faut dès maintenant répertorier tous les dossiers 2008 qui sont encore « actifs », et planifier une stratégie pour tenter de les rendre « inactifs » pour le 1er octobre prochain. Débutons par les définitions. Un dossier dit actif, est un dossier pour lequel un travailleur reçoit des indemnités de remplacement de revenu (IRR). Un dossier inactif est un dossier pour lequel un travailleur est en assignation temporaire ou en retour progressif au travail, qu’il reçoive ou non des traitements, ou nécessite des visites médicales. Le versement de l’IRR est vraiment la clé.

La CSST estime qu’un travailleur ayant subi une lésion professionnelle en 2008, qui n’est pas de retour au travail au dernier trimestre de 2009 (1er octobre au 31 décembre), a un potentiel de devenir un dossier de longue durée. La CSST s’inspire donc de l’écureuil qui amasse sa nourriture pour l’hiver, et ajuste les coûts au dossier par ce qu’elle appelle un « facteur d’ajustement ». L’employeur étant responsable d’un dossier pendant quatre (4) ans, la CSST devient donc responsable de tous les coûts à compter de la cinquième année. Elle tente donc de mettre des sous de côté pour assumer ses responsabilités envers le travailleur.

Nous vous faisons grâce de la mathématique, mais rappelez-vous de la règle simple qu’un employeur au taux personnalisé se voit « imputer » les coûts d’un dossier de travailleur à son dossier d’employeur, ce qui représentera plus tard, une hausse de son taux de cotisation. L’employeur au régime rétrospectif en plus, paye les sommes imputées à son dossier d’employeur multipliées par les facteurs d’ajustement.

À titre d’exemple, un travailleur se blesse en 2008 et reçoit 10 000$ en IRR dont une seule journée d’IRR entre le 1er octobre et le 31 décembre 2009.Au taux personnalisé, les sommes seront multipliées par 4.31, ce qui représentera 43 100 $ de sommes « imputées » au dossier de l’employeur. Toutefois, au régime rétrospectif, le facteur de multiplication est de 7.75, pour un total de 77 500 $ à payer à l’ajustement provisoire des cotisations au 15 avril 2010 (sous réserve du plafond annuel).1

C’est pourquoi, vous devez de façon prioritaire, trouver des stratégies afin que vos travailleurs blessés en 2008 puissent revenir au travail en assignation temporaire ou travaux légers. En plus, il faudrait prévoir s’il y a lieu, de les faire évaluer par votre médecin désigné pour valider les diagnostics, le plan de traitements, la consolidation, la prévision d’une atteinte permanente ou de limitations fonctionnelles, le tout pour favoriser un retour au travail adapté pour le 1er octobre. N’oubliez pas que si le travailleur doit être évalué par un expert du Bureau d’Évaluation Médicale (BEM), des délais s’imposent, donc le temps est précieux.

Vous verrez, l’automne arrive souvent plus vite qu’on ne le pense….

 

ACTUALITES

Du côté de la CLP

Un simple rappel à l’effet que la CLP a doté presque tous ses bureaux d’un système de visioconférence (vidéo-conférence) à des fins d’audience, ce qui signifie que vous et votre représentant pouvez être dans un bureau régional et la CLP siège dans un autre bureau régional en présence du travailleur. Ce système peut donc être utilisé pour éviter les déplacements coûteux, notamment pour les témoins experts ou votre représentant.

D’autre part, nous soulignons que la quasi-totalité des décisions de la CLP sont à l’effet que la Table des durées maximales de consolidation aux fins de l’application de l’article 329 LATMP (2007) n’est pas appropriée et que la durée normale de consolidation d’une lésion est plus adéquate afin de déterminer le pourcentage d’imputation que l’employeur doit se voir attribuer. Également, les décisions rappellent que la durée de la période de consolidation n’est pas le seul critère à examiner, notamment, le fait que le handicap ait contribué à la survenance de la lésion professionnelle.

 

ACTUALITÉS LÉGISLATIVES

Projet de loi no 35 Loi modifiant le régime de santé et de sécurité du travail afin notamment de majorer certaines indemnités de décès et certaines amendes et d’alléger les modalités de paiement de la cotisation pour les employeurs (L.Q. 2009, c.19).

Ce projet de loi, sanctionné le 10 juin 2009, modifie notamment la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles afin d’augmenter le montant de certaines indemnités de décès et de prévoir le versement d’une indemnité forfaitaire aux enfants du travailleur qui n’avait pas de conjoint au moment de son décès.

Également, le projet de loi modifie la Loi sur la santé et la sécurité du travail afin d’augmenter progressivement les amendes. Le montant de ces amendes passera du simple au double le 1er janvier 2010, pour ensuite passer au triple le 1er janvier 2011. Ce montant sera par la suite revalorisé annuellement à compter du 1er janvier 2012.

De plus, le projet de loi modifie cette loi afin de préciser les événements pour lesquels un employeur doit transmettre un rapport écrit d’accident du travail à la Commission de la santé et de la sécurité du travail, notamment dans le cas de perte totale ou partielle d’un membre ou de son usage ou un traumatisme physique important. Il précise également qu’une personne qui, sans être un employeur, utilise les services d’un travailleur aux fins de son établissement, par le biais d’une agence de personnel notamment, est tenue aux obligations imposées à un employeur en vertu de cette loi.

La présente chronique ne constitue pas un avis juridique et a été rédigée uniquement afin d’informer les lecteurs. Ces derniers ne devraient pas agir ou s’abstenir d’agir en fonction uniquement de cette chronique. Il est recommandé de consulter à cette fin leur conseiller juridique. © Monette Barakett SENC. Tous droits réservés. La reproduction intégrale et la distribution de cette chronique sont autorisées à la seule condition que la source y soit indiquée.