ARTICLE 32 LATMP : PEUT-ON CONGEDIER UN TRAVAILLEUR QUI REFUSE DE REVENIR AU TRAVAIL SUITE À LA CONSOLIDATION DE SA LESION PAR LE MEMBRE DU BUREAU D’EVALUATION MEDICALE (BEM)?
Boucher et Truss Experts (Fabrication), CLP 305627-63-0612 et 324793-63-0708, 30 juin 2009, décision de Michèle Juteau.
Une assembleuse se blesse à la cheville et le BEM consolide la lésion le 25 octobre 2006, sans atteinte permanente ni limitation fonctionnelle. La travailleuse conteste cette décision. Suite à cette décision, l’employeur demande à la travailleuse de reprendre son travail régulier. Le 22 novembre 2006, la travailleuse reprend le travail, mais quitte après environ deux heures, car elle dit ressentir des douleurs qu’elle relie à sa lésion.
Le 27 novembre 2006, l’employeur lui écrit qu’il met fin à son lien d’emploi parce que son absence n’est pas justifiée. Le 11 décembre 2006, la travailleuse porte plainte en vertu de l’article 32 LATMP alléguant avoir été victime d’un congédiement en raison de l’exercice d’un droit conféré par la loi. Dans un premier temps, soulignons que la décision du BEM de consolider la lésion a été maintenue par la Commission des lésions professionnelles (CLP).
La CLP a maintenu le congédiement puisqu’il repose sur le refus de fournir une prestation de travail sans motif valable. Lorsque la CSST décide de mettre fin aux indemnités de remplacement de revenu parce que l’incapacité cesse, le travailleur est tenu, en vertu de son contrat de travail, de fournir sa prestation et l’employeur est en droit de l’exiger. Aucune disposition de la LATMP ne dispense le travailleur de respecter ses engagements contractuels. D’ailleurs, l’article 361 LATMP prescrit que la décision de la CSST a un effet immédiat malgré la contestation, ce qui permet à l’employeur de requérir du travailleur la prestation attendue en vertu du contrat de travail.
ARTICLE 32 LATMP : L’ACCUMULATION DES JOURS DE CONGÉ POUR MALADIE ET DE CONGÉ ANNUEL
CLSC Notre-Dame-de-Grâce et Carrier, Cour d’appel, 200-09-005969, CLP 352052-71-0806, 3 septembre 2009, décision de Lina Crochetière.
Une infirmière subit une lésion professionnelle en janvier 2005 et revient au travail en novembre 2006. À son retour, elle dépose une plainte en vertu de l’article 32 LATMP, puisque durant son absence, l’employeur lui a refusé le cumul de jours de congé maladie et de congé annuel. La CLP analyse la demande sous l’angle de l’article 242 LATMP et détermine que cet article ne permet pas de transformer des heures non-travaillées en heures travaillées afin de permettre le cumul de congés.
Également, faire droit à la réclamation de la travailleuse aurait pour effet de mettre de côté les dispositions de la convention collective sur le cumul des journées de congé maladie et de congé annuel. Les dispositions en question doivent continuer à s’appliquer. Ainsi, l’absence de la travailleuse en lien avec sa lésion professionnelle lui a fait perdre le cumul de ses journées de congé, le tout conformément à la convention collective.
La CLP note que l’article 242 LATMP ne crée pas en lui-même des avantages, mais renvoie plutôt à ceux déjà prévus à la convention qui, en l’espèce, ne sont pas contraire à l’article 235 LATMP ni à l’ordre public. La plainte de la travailleuse est donc rejetée.
LE REFUS DE RECEVOIR DES SOINS PAR UN TRAVAILEUR NE DONNE PAS OUVERTURE A UNE DESIMPUTATION EN L’ABSENCE D’UNE NOUVELLE LESION
Géo A. Hall inc., CRT 119181, 20 février 2009, CLP 328839-63-0709, 17 avril 2009, décision de Marie Langlois.
Le travailleur a subi une entorse lombaire ainsi qu’une hernie discale. L’employeur soumet que le refus du travailleur de subir une infiltration constitue une omission de soins et donne ouverture au transfert d’imputation conformément aux articles 31 et 327 LATMP. Considérant que l’infiltration a simplement été retardée puisque finalement pratiquée, la CLP estime qu’il ne s’agit pas d’une omission de soins. Elle ajoute que même dans l’hypothèse où cela constituait une omission de soins, l’employeur n’a pas établi qu’une telle omission avait entraîné une nouvelle blessure ou maladie, et ce, bien que la condition du travailleur ait évolué vers la chronicité lui causant même une lésion psychique. Par conséquent, l’article 31 LATMP ne s’applique pas et la demande de transfert d’imputation est refusée.
DES ANTECEDENTS IMPORTANTS CACHES LORS DE L’EMBAUCHE PEUVENT JUSTIFIER UN TRANSFERT D’IMPUTATION
Réno-Dépôt inc., CLP 368556-31-0901, 23 juin 2009, décision de Carole Lessard.
La travailleuse a subi une lésion professionnelle lors d’une chute au sol. Les diagnostics retenus étaient contusion de la hanche gauche et entorse à la cheville gauche. Le suivi médical a ensuite comporté deux nouveaux diagnostics, à savoir une entorse cervicale et une entorse lombaire. L’employeur a appris que la travailleuse avait déjà subi trois entorses à la cheville gauche et présentait également de nombreux antécédents douloureux dans les régions cervicale et lombaire.
La preuve a démontré que l’employeur était obéré injustement compte tenu que la travailleuse a omis de lui mentionner ses antécédents médicaux lors de l’embauche. Ainsi, elle a décidé d’occuper un emploi qui s’avérait contre-indiqué étant donné ses nombreux antécédents. La CLP estime que l’employeur a été obéré injustement et déclare que la totalité des coûts découlant de la lésion professionnelle doit être imputée à l’ensemble des employeurs.
L’OBÉRATION INJUSTE ET L’INCARCÉRATION D’UN TRAVAILLEUR
Desbois et Agence de placement Bel-Aire, CLP 311987-64-0702, 322642-64-0707 et 327615-64-0709, 13 mars 2009, décision de Daphné Armand.
Un employeur a-t-il droit à un transfert des coûts en vertu de l’article 326 LATMP à compter de l’incarcération du travailleur ? En l’espèce, en raison de l’incarcération du travailleur, les soins de physiothérapie n’ont pas pu être prodigués, un orthopédiste n’a pas pu être consulté rapidement et le travailleur a tardé à obtenir une médication prescrite. Il y a donc eu un certain retard pour l’obtention des soins médicaux. Également, l’employeur n’a pas eu la possibilité d’offrir une assignation temporaire au travailleur en raison de son incarcération. Tous ces éléments font en sorte que l’employeur est obéré injustement.
Le CLP indique que le travailleur a consulté un médecin le 27 juin 2006, juste avant son incarcération et que le médecin avait recommandé un arrêt de travail de trois semaines. En conséquence, une assignation temporaire n’aurait pas été autorisée avant que ces trois semaines ne soient écoulées, soit avant le 18 juillet 2006, date à laquelle le travailleur était déjà incarcéré. En conséquence, le tribunal estime que les coûts reliés à la lésion professionnelle du travailleur devraient être imputés aux employeurs de toutes les unités seulement à partir du 18 juillet 2006.
Table des durées de consolidation…
DE RETOUR À LA CASE DÉPART!
Le 28 juillet dernier, la CSST annonçait par communiqué de presse qu’elle suspendait l’application de sa nouvelle Table des durées maximales de consolidation (ci-après la Table) mise de l’avant en mai 2007 comme outil de calcul des demandes de partage d’imputation en vertu de l’article 329 LATMP. Cette Table avait fait l’objet d’un désaveu de la part des associations d’employeurs et du Conseil du patronat du Québec (CPQ).
Elle avait causé un revirement majeur dans l’appréciation des demandes de partage d’imputation fondées sur un handicap préexistant. Elle appliquait dorénavant la durée maximale de consolidation plutôt que la durée moyenne, comme elle l’avait toujours fait, méthode qui avait d’ailleurs été entérinée par la CLP.
Par exemple, en vertu de cette Table, la consolidation d’une entorse lombaire passait de 35 jours à 84 jours. Bien sûr, ceci avait un effet sur la proportion des partages de coûts accordés.
Les effets furent immédiats. Le taux de contestation à la CLP des décisions portant sur les pourcentages accordés par la CSST fut fulgurant et les juges administratifs, ont massivement renversé les décisions de la CSST afin d’accorder des partages d’imputation en vertu de l’ancienne Table.
La décision de la CSST a donc entraîné un moratoire pour les demandes de partages d’imputation en vertu de l’article 329 LATMP et aucune décision n’a donc été rendue depuis juillet.
La CSST réévalue présentement son outil de calcul avec la participation des représentants des employeurs et nous avons appris qu‘une nouvelle Table serait présentée au courant du mois de novembre 2009 et mettrait fin au moratoire. Il ne faut certainement pas cesser de déposer des demandes de partage d’imputation, puisque la CSST évaluera les dossiers dès qu’elle pourra mettre en application le nouveau mode de calcul.
Entretemps, la direction de la CSST a donné mandat à ses procureurs de régler hors cour, par le biais de la conciliation, tous les dossiers ouverts à la CLP qui concernent des contestations de pourcentage d’imputation pour des demandes logées à la CSST avant mai 2007.
À suivre….