1. LA RÉACTION CAUSÉE PAR UN VACCIN REÇU AU TRAVAIL N’EST PAS UNE LÉSION PROFESSIONNELLE
Centre de santé et de services sociaux de la Montagne et Danis, CLP 355915-71-0808, 9 octobre 2009, Francine Charbonneau, juge administratif.
Un programme de vaccination a été organisé par l’employeur. La travailleuse a choisi librement d’y participer. Celle-ci recevait le vaccin depuis dix ans puisqu’elle était appelée à travailler auprès d’une clientèle âgée. Environ trente minutes après avoir reçu sa dose de vaccin, la travailleuse présente des étourdissements, des nausées, des maux de tête en plus de problèmes de concentration au travail. Ces symptômes s’aggravent rapidement puis, elle présente des variations de pression artérielle, elle titube, a mal à la tête, a des problèmes de vision et des acouphènes. Puisque les symptômes persistent, la travailleuse quitte le travail pour se rendre à la maison. La travailleuse s’absente du travail à la suite d’un diagnostic d’encéphalopathie et revient après un mois d’absence.
La CLP détermine d’abord que la présomption prévue à l’article 28 LATMP est inapplicable puisque la lésion subie par la travailleuse n’équivaut pas à une blessure. De plus, la CLP juge que les conditions requises pour être en présence d’un accident de travail au sens de l’article 2 LATMP ne sont pas rencontrées puisqu’il n’y a eu aucun événement imprévu et soudain. En effet, le vaccin a été reçu sur une base volontaire. Par ailleurs, l’encéphalopathie n’est pas une maladie professionnelle énumérée à la loi ni caractéristique du travail d’infirmière ou reliée aux risques particuliers de ce travail. Par conséquent, la CLP infirme la décision rendue par la CSST et déclare que la travailleuse n’a pas subi de lésion professionnelle.
2. L’ENTRAVE À UN EXAMEN MÉDICAL ET LA SUSPENSION DES IRR
Manufacture Lingerie Château inc. et Duverglas, CLP 352066-71-0806, 21 juillet 2009, Gilles Robichaud, juge administratif.
L’employeur demande de suspendre l’IRR du travailleur pour avoir entravé un examen médical. Selon le médecin qui a procédé à l’examen, le travailleur se serait montré agressif, ne répondait pas aux questions et ne se laissait pas examiner. De plus, il existait plusieurs discordances entre les observations du médecin et les douleurs alléguées. La preuve révèle cependant que le travailleur s’est montré coopératif en répondant aux questions, en autorisant le médecin à obtenir une copie de son dossier et en n’offrant aucune résistance particulière. Il est vrai que l’examen a été difficile, mais cela était dû à la douleur ressentie par le travailleur. De plus, tous les autres médecins rencontrés ont fait état de la bonne collaboration du travailleur. Le Tribunal rappelle que pour suspendre l’IRR, le fardeau est double : 1) le travailleur doit avoir omis de faire ce qu’il devait ou encore, avoir fait ce qu’il ne devait pas; 2) cette contravention doit avoir été faite sans raison valable. Or, l’expression de douleur ne saurait constituer une entrave à un examen. L’IRR du travailleur n’est donc pas suspendue.
3. DÉCISIONS QUANT À L’IMPUTATION DES COÛTS
DES FRAIS DE READAPTATION NON NECESSAIRES
Manoir Soleil inc., CLP 365773-62A-0812, 9 octobre 2009, Claire Burdett, juge administratif.
L’employeur demande de ne pas être imputé des coûts de formation. Une préposée aux bénéficiaires a subi une entorse cervicale en tentant de positionner une patiente dans son lit. Peu après, la CSST entreprend le processus de réadaptation prévu à la LATMP. Elle initie donc une formation technique d’introduction à l’informatique pour la travailleuse qui se dit intéressée par un poste de réceptionniste. Puis, le médecin qui a charge produit un rapport final dans lequel il inscrit que la lésion est consolidée avec des limitations fonctionnelles. Il recommande également une réorientation de carrière.
Or, avant que les limitations fonctionnelles ne soient évaluées par le médecin traitant, la CSST rend une décision selon laquelle la travailleuse ne peut retourner chez l’employeur et retient l’emploi convenable de préposée au service à la clientèle. Une formation d’une valeur de 7 382 $ est donc mise en place. Cette décision est contestée par l’employeur et la révision administrative détermine que la CSST doit d’abord comparer les exigences physiques de l’emploi pré-lésionnel avec les limitations fonctionnelles émises afin de déterminer la capacité à exercer cet emploi. Elle conclut qu’un emploi convenable a été déterminé de façon prématurée et renvoie le dossier à la CSST qui devra procéder à cette comparaison. À la suite de cet examen, la CSST conclut que la travailleuse est capable d’exercer son emploi pré-lésionnel. Le tribunal conclut que les frais de formation constituent une prestation au sens de la LATMP. Comme cette mesure de réadaptation n’a plus lieu d’être étant donné que la CSST a déterminé que la travailleuse pouvait retourner à son emploi pré-lésionnel, le coût de cette formation ne peut constituer une prestation au sens de l’article 326 LATMP et doit donc être désimputé du dossier de l’employeur.
L’IMPUTATION DES COÛTS AU SYNDICAT
SPSS-CHUM et C.H. Université de Montréal, CLP 321450-71-0706, 17 novembre 2009, Lucie Nadeau, juge administratif.
Le syndicat dépose une requête en révision pour cause à la suite d’une décision rendue par la CLP déclarant que le coût des prestations reliées à la lésion professionnelle subie par le travailleur doit être imputé en totalité au syndicat, désigné comme employeur. Le travailleur est en libération syndicale et se blesse au dos lors d’un travail requis par son syndicat. La CLP siégeant en révision estime qu’il n’y a aucune erreur dans la décision de première instance. La CLP n’a pas confondu le type de libération dont bénéficiait le travailleur. De plus, le travailleur est un agent syndical élu par les membres et le syndicat le rémunère pour l’utilisation de ses services. À cet égard, la CLP a correctement estimé qu’il y avait une entente entre le travailleur et son syndicat. La CLP n’a pas commis d’erreur en concluant que l’employeur n’avait aucun contrôle sur le travailleur en libération syndicale et ce, malgré une jurisprudence contradictoire sur la question.
LES INTERCURRENCES
Pavillons St-Vincent, St-Joseph, Murray, CLP 372086-05-0903, 26 novembre 2009, Michel-Claude Gagnon, juge administratif.
Les principes en matière d’intercurrence s’appliquent également aux situations au cours desquelles un employeur doit verser le salaire pendant un programme de réadaptation ou de réinsertion dans un poste modifié. En l’espèce, la prise en charge par les services de réadaptation de la CSST a été retardée pendant quatre mois suite à une chirurgie pour une condition personnelle. N’eût été la chirurgie, l’employeur aurait versé le salaire régulier à la travailleuse. La CLP mentionne que l’article 326 LATMP ne s’applique pas seulement aux cas d’assignation temporaire. Bien que la travailleuse ne recevait plus d’IRR mais un salaire, les mêmes principes s’appliquent. Comme l’employeur est facturé par la CSST au régime rétrospectif, les coûts attribuables au versement sous forme d’IRR représentent un montant très important qu’il n’aurait pas eu à payer si la travailleuse n’avait pas été absente pour la maladie intercurrente. L’employeur a donc été obéré injustement.
De façon générale, nous soulignons que la CLP requiert de plus en plus une preuve des coûts engendrés par l’intercurrence. Ainsi, il est dorénavant important de produire les fiches du commerce électronique pour démontrer, par exemple, la période pendant laquelle des IRR ont été imputées et les coûts que cellesci représentent par rapport aux coûts du dossier. En effet, il est important de démontrer la charge financière significative.
4. ATTENTION AU DÉNEIGEMENT!
DES FRAIS DE DENEIGEMENT PAYÉS À L’ÉPOUSE DU TRAVAILLEUR
D.P. et Compagnie A, CLP 357152-03B-0809, 10 décembre 2009, Ann Quigley, juge administratif.
Un travailleur a subi un accident du travail en 1988 qui lui a laissé des séquelles importantes tant au niveau lombaire qu’au niveau du tunnel carpien. Depuis 2006, la CSST lui accorde le remboursement des frais de tonte du gazon, de déneigement du stationnement et de l’arrière de la maison. C’est la conjointe du travailleur qui procède à ces travaux et la CSST la rembourse par la suite. Le travailleur demande que sa conjointe soit également remboursée pour les frais de déneigement de la toiture. Trois conditions doivent être réunies pour qu’un remboursement en vertu de l’article 165 LATMP soit possible : 1) l’existence d’une atteinte permanente grave à l’intégrité physique; 2) l’incapacité d’effectuer les travaux d’entretien courant du domicile que le travailleur effectuerait lui-même si ce n’était de sa lésion; 3) que les frais soient engagés.
Quant à la première condition, elle s’établit en analysant la capacité résiduelle du travailleur en fonction des travaux d’entretien courant qu’il ne peut accomplir. Il ressort de la preuve que le travailleur présente de nombreuses limitations fonctionnelles et une atteinte permanente importante en lien avec l’événement de 1988. Il est donc porteur d’une atteinte permanente grave au sens de l’article 165 LATMP. Pour la seconde condition, la preuve établit clairement que le travailleur ne peut procéder lui-même au déneigement de sa toiture en raison de ses limitations fonctionnelles, mais que n’eût été ces limitations, il l’aurait fait. Finalement, la dernière condition est également remplie. Le Tribunal conclut, à partir du témoignage de l’épouse et des reçus produits par cette dernière, que les frais ont effectivement été engagés, bien que les reçus n’aient pas été émis par une entreprise de déneigement professionnelle. Les conditions étant respectées, la conjointe du travailleur peut être remboursée des frais de déneigement de la toiture, frais que la CLP considère très raisonnables.
L’IMPORTANCE DE DÉNEIGER SON ENTRÉE
Levert et Développement durable Rivière-du-Nord, CLP 353183-64-0807, 11 décembre 2009, Thérèse Demers, juge administratif.
La travailleuse a contesté la décision de la révision administrative près de trois mois après que la décision ait été rendue. La LATMP prévoit un délai de 45 jours de la notification de la décision pour la contester. Le Tribunal estime que la notification d’une décision par l’entremise de la poste régulière est une notification valable. En l’espèce, la décision a été postée le 1er avril 2008. Selon la jurisprudence, une décision de la CSST est réputée notifiée aux parties trois à quatre jours ouvrables après sa mise à la poste. Or, la travailleuse n’a reçu la décision que sept semaines plus tard, soit le 27 mai 2008. La preuve démontre que ce long délai est dû au fait que la travailleuse n’avait pas déneigé son entrée à la suite de grandes chutes de neige au mois de mars 2008 et ce, malgré de nombreux avertissements de la Société canadienne des postes à cet égard. D’ailleurs, le Règlement sur les boîtes aux lettres, (2008) 142 Gaz. Can. II, 2193, prévoit que le courrier ne sera livré qu’à un immeuble doté d’un chemin convenable le reliant à la voie publique. C’est donc en raison de ses propres agissements que la travailleuse n’a pas reçu la décision de la CSST dans le délai normal de la poste. Sa contestation a ainsi été présentée hors délai et la travailleuse ne dispose d’aucun motif raisonnable autre que sa propre négligence pour justifier ce délai. La requête est donc jugée irrecevable.
5. OBLIGATIONS D’UN EMPLOYEUR PAR RAPPORT AUX RISQUES
SAPSCQ et Établissement de détention de Sherbrooke, CLP 359131-05-0809, 26 août 2009, Luce Boudreault, juge administratif.
Des agents des services correctionnels estiment qu’ils ne bénéficient pas de conditions de travail sécuritaires lorsqu’ils ont à effectuer une intervention d’urgence. Ainsi, le syndicat demande à la CLP d’or1010, rue de la Gauchetière Ouest, Place du Canada, bureau 2100, Montréal (Québec) H3B 2R8 Téléphone 514 878 9381 | Télécopieur 514 878 3957 | www.192.168.1.210/M/monette/www donner à l’employeur d’assurer sur les lieux la présence d’une équipe d’intervention d’urgence de cinq personnes en tout temps. Les articles 2, 9 et 51 LATMP ont pour objet l’élimination à la source des dangers pour la santé, la sécurité et l’intégrité physique des travailleurs. La CLPmentionne que les notions de danger et de risque font appel à des réalités différentes. La notion de danger réfère à une menace réelle alors que celle de risque à un événement dont la survenance est incertaine. Quant à son obligation d’éliminer les risques, l’employeur n’est tenu qu’à ce qui est nécessaire et raisonnable en fonction des règles de l’art reconnues dans son secteur d’activités particulier.
Une technique particulière et spécifique est privilégiée dans les installations de l’employeur lorsqu’il y a nécessité d’intervenir. Or, la preuve démontre, notamment que lorsqu’il y a urgence et que les agents demandent du renfort, les employés interviennent de façon désordonnée et certains postes se trouvent à découvert. Il est également mis en preuve que certains agents ont déjà subi des agressions par les détenus lors d’une intervention ou de façon imprévisible. La CLP conclut que, bien qu’il y ait certains risques inhérents au travail des agents correctionnels, l’employeur n’a pas rencontré ses obligations d’éliminer ces risques qui peuvent affecter la santé et la sécurité des agents correctionnels. Par conséquent, la CLP ordonne à l’employeur de s’assurer qu’une équipe d’intervention composée de cinq agents correctionnels soit sur place pour chaque quart de travail. De plus, la CLP précise la technique d’intervention de façon détaillée, notamment en indiquant que chaque agent doit avoir une position précise et assignée au préalable lorsqu’il utilise la technique particulière d’intervention.
FINANCEMENT EN BREF
1. LEVÉE DU MORATOIRE!
Dans le cadre de notre dernier numéro, nous vous faisions part qu’un moratoire était imposé par la Direction de la CSST sur les demandes de partage d’imputation présentées par les employeurs.
Rappelons-nous qu’en 2007, la CSST avait changé ses paramètres de durée de consolidation normale dans l’équation du pourcentage de désimputation aux employeurs. Or, la CLP avait désavoué cette nouvelle approche dans ses décisions. La CSST a donc fait marche arrière sur cette question.
Nous avions appris que le moratoire serait levé en novembre 2009 et tel qu’annoncé, ce fut effectivement le 24 novembre dernier. La table de durée moyenne de consolidation des lésions est ainsi redevenue l’outil de calcul dans les décisions de la CSST.
2. RECALCUL DES AJUSTEMENTS DÉFINITIFS
De belles surprises vous attendent peut-être lors de votre prochain relevé de cotisation. En effet, si vous êtes assujetti au régime rétrospectif, vous constaterez que la CSST a procédé le 27 janvier dernier, au recalcul de votre ajustement définitif pour les années 2003, 2004 et 2005.
Les décisions favorables en matière de partage d’imputation de la CSST ou de la CLP rendues au cours de la dernière année dans des dossiers de lésions professionnelles, pour des dossiers 2003, 2004 et 2005, ont fait l’objet d’ajustements à vos sommaires de sommes imputées. Toutefois, le recalcul de l’ajustement définitif ne se fait qu’une seule fois par année, soit le 27 janvier. C’est donc l’ensemble de ces crédits qui seront compilés, avec intérêts, pour venir affecter favorablement votre cotisation de dépôt pour l’année 2010.
3. MAXIMUM ANNUEL ASSURABLE
La CSST a ajusté son maximum annuel assurable pour l’année 2010 à 62 500 $, soit 500 $ ou 0,8% de plus que l’an dernier. Cette hausse peut être qualifiée de modeste par rapport à certaines hausses antérieures ayant atteint parfois 2,5%. Lors de votre déclaration de masse salariale estimée pour l’année 2010, vous devrez donc tenir compte de ce plafonnement de 62 500 $ pour chaque salaire déclaré. Ce sera également le cas lorsque vous aurez à calculer le salaire assurable lors d’une lésion professionnelle.