1. LA RECEVABILITÉ EN PREUVE DE COMMENTAIRES ÉMIS SUR FACEBOOK

Landry et Provigo Québec inc. (Maxi & Cie), CLP 412395-62C-1006, 9 mars 2011, Richard Hudon, juge administratif.

La travailleuse allègue avoir été victime de harcèlement au travail et souhaite déposer en preuve des extraits de commentaires de ses collègues de travail émis sur leurs pages Facebook.

L’employeur conteste l’admissibilité en preuve d’extraits de commentaires provenant de pages Facebook au motif qu’ils ne sont pas intégraux, qu’il s’agit d’une preuve par ouï-dire et que cette preuve porte atteinte au droit à la vie privée prévue à la Charte des droits et libertés de la personne (L.R.Q., c. C-12).

Pour la Commission des lésions professionnelles («CLP»), les extraits des commentaires mis en ligne sur Facebook sont déterminants pour l’évaluation de la crédibilité d’un travailleur, pour réfuter un témoignage et pour décider du diagnostic à retenir. La CLP rejette l’argument suivant lequel la preuve déposée ne constitue pas l’intégralité des communications. La travailleuse n’avait pas à déposer toutes les pages imprimées aux dates pertinentes. Pour la CLP, ce qui importe, c’est de savoir si les commentaires déposés ont été faits par les personnes qui les ont signés, si ceux-ci concernent la travailleuse et si cette preuve est pertinente pour décider si la travailleuse a été victime de harcèlement au travail. La CLP note d’ailleurs qu’il s’agit de documents technologiques pour lesquels une preuve d’authenticité distincte n’est pas requise.

Pour ce qui est du motif fondé sur le ouï-dire, la CLP conclut que les documents ne sont pas irrecevables puisqu’ils présentent des garanties suffisantes de fiabilité et que l’employeur a la possibilité d’y répondre notamment en assignant les personnes concernées à témoigner.

En regard de l’allégation d’atteinte au droit à la vie privée, la CLP est d’avis que l’information publiée sur une page Facebook ne fait pas partie du domaine privé compte tenu de la multitude de personnes qui peuvent y avoir accès. Pour tous ces motifs, la CLP rejette la requête présentée par l’employeur.

M.C. et Compagnie A, CLP 409156-62C-1005, 8 avril 2011, Richard Hudon, juge administratif.

La travailleuse demande à la CLP de déclarer qu’elle a subi une lésion professionnelle. La travailleuse exerce un emploi de serveuse. Elle a présenté une réclamation à la Commission de la santé et de la sécurité au travail («CSST») alléguant avoir subi du harcèlement psychologique et sexuel de la part du propriétaire du restaurant où elle travaille. La CSST a refusé la réclamation de la travailleuse au motif que ses versions sont contradictoires et qu’il n’y a aucun diagnostic au dossier

La CLP analyse les différents témoignages rendus à l’audition et se penche également sur des extraits d’une page Facebook produits par l’employeur. Les extraits reprennent certains commentaires émis par une amie de la travailleuse et par la mère du présumé harceleur.

La CLP note que les extraits de la page Facebook déposés par l’employeur sont pertinents. Il en ressort notamment que l’amie de la travailleuse a elle-même fait l’objet de demandes sexuelles de la part du présumé harceleur.

Pour la CLP, les faits graves, précis et concordants démontrés en preuve créent une présomption que les actes sexuels ont eu lieu à la demande du présumé harceleur et qu’ils n’ont pas été consensuels. D’ailleurs, la CLP note que si la travailleuse a consenti à des actes sexuels, c’est sous l’effet de la menace faite par une personne en autorité. Par conséquent, la CLP conclut que la travailleuse a subi une lésion professionnelle au travail.

2. L’ARTICLE 329 LATMP : LA PRÉSENCE D’UN HANDICAP PAR L’ADDITION DE PLUSIEURS CONDITIONS

C.S.S.S. de Trois-Rivières (CHSLD), CLP 406696-04-1003, 24 mars 2011, J. André Tremblay, juge administratif.

Une préposée au service d’alimentation, âgée de 50 ans, a subi un accident de travail en tentant de déplacer un fauteuil avec son bras gauche. Les diagnostics retenus par la CSST sont ceux de luxation acromio-claviculaire et de capsulite. La lésion est consolidée après 74 semaines en laissant une atteinte permanente de l’ordre de 4%. La preuve médicale démontre que la travailleuse était porteuse de plusieurs conditions personnelles : une neuropathie cubitale, une tendinopathie des sus et des sous-épineux, un acromion de type II, une discopathie cervicale ainsi qu’un diabète insulinodépendant non contrôlé. Il est reconnu que ces conditions personnelles n’ont pas eu d’incidence sur la survenance de la lésion, mais plutôt sur ses conséquences. Retenant l’avis d’un expert, la CLP affirme que la conjonction de toutes les problématiques de santé présentes chez la travailleuse constitue une déviation par rapport à la norme biomédicale. Il accorde donc un partage de coûts de l’ordre de 5% à l’employeur et de 95% à l’ensemble des employeurs.

3. LA FORCE PROBANTE D’UNE EXPERTISE : ATTENTION AUX EXPERTISES MÉDICALES «ARGUMENTATIVES»

C.S.S.S. de Port Cartier, CLP 404271-09-1003, 30 mars 2011, Louise Desbois, juge administratif.

Une travailleuse âgée de 43 ans, chef d’équipe à l’entretien sanitaire, responsable de la buanderie et de la lingerie et couturière, a été victime d’une maladie professionnelle reconnue par la CSST, soit une épicondylite bilatérale. Elle développe subséquemment une épitrochléite bilatérale. Ces lésions sont finalement consolidées avec une atteinte permanente et des limitations fonctionnelles. L’employeur, déposant deux expertises, affirme que la travailleuse présente une condition personnelle de syndrome mésenchymateux ayant participé à la survenance de ces lésions et demande un partage de coûts.

La CLP estime que les expertises n’ont pas permis à l’employeur de démontrer que la travailleuse présente une déficience ayant entraîné des effets sur les lésions professionnelles. Elle souligne son malaise face aux expertises déposées, car elles contiennent des lacunes importantes quant à l’objectivité, à l’examen et à l’analyse des faits pertinents, à l’impartialité et à la rigueur. Les expertises consistent plutôt en une argumentation en faveur de la thèse de l’employeur, ce qui empêche la CLP de leur accorder une grande force probante.

D’ailleurs, la CLP rappelle ne pas être liée par l’opinion d’un expert, même si aucune autre expertise n’est au dossier. En effet, il lui revient d’apprécier la preuve présentée, incluant la preuve d’expert. Les expertises soumises remettent en question le caractère professionnel des pathologies de la travailleuse. Or, cet élément est reconnu par la CSST et non contesté par l’employeur. Finalement, un des experts n’a jamais rencontré la travailleuse et se garde de décrire et d’analyser ses tâches. La CLP ne peut accorder foi à des expertises si peu motivées. La demande de partage de coûts est rejetée.

FINANCEMENT EN BREF

QUE VAUT 1 $ AU RÉGIME RÉTROSPECTIF? ÇA DÉPEND…

Lorsque vous êtes assujetti à la tarification rétrospective de la CSST, votre montant de cotisation est assimilable à un dépôt à terme à votre nom auprès de cette institution. Votre cotisation à la CSST débute par le dépôt, en début d’année, d’une somme importante calculée en fonction des salaires versés. Une fois que la CSST aura établi une quote-part du dépôt pour ses frais et le coût de l’assurance, elle établira une «réserve». Cette «réserve» est la somme qui pourra potentiellement vous être retournée si aucun employé ne subit de lésion professionnelle en cours d’année. Cette somme produit des intérêts, d’où sa similarité avec un dépôt à terme.

Chaque lésion professionnelle reconnue occasionnera un débit à cette « réserve». Selon l’année de la lésion, sa date de consolidation et la durée totale de l’arrêt de travail, les conséquences en seront plus ou moins importantes.

Nous vous soumettons la comparaison de deux dossiers de lésion professionnelle pour la même année (peu importe que ce soit une lésion professionnelle survenue entre 1999 et 2008, voir le tableau ci-dessous). Le premier dossier a un coût total de 10000$ et est finalisé au plus tard deux ans après l’année de la lésion. Ce type de dossier porte le vocable de «dossier inactif». Le deuxième dossier a une valeur de 100000 $ et est actif pendant quatre ans, et un partage d’imputation a été accordé à raison de 10% des coûts imputés au dossier de l’employeur. Ce dossier a donc une valeur égale de 10000 $, mais nous le qualifierons par le vocable « dossier actif », considérant que les coûts sont répartis sur quatre ans. Voici un exemple de la valeur de ces dossiers au fil du temps :

Valeur

Vous constaterez que les facteurs de chargement, soit les pénalités imposées par la CSST pour chaque lésion professionnelle, portent les coûts réels à des sommes considérables. Ces coûts seront moins importants si le dossier est inactif. Vous aurez également remarqué que les coûts ont augmenté de façon non négligeable depuis dix ans, surtout pour les dossiers actifs.

Si vous souhaitez faire un calcul rapide, considérez que chaque 1 $ qui apparaît sur votre relevé des sommes imputées représente environ 2,20 $ si le dossier est finalisé dans les premiers 2 ans de l’année de la lésion. Toutefois, le même 1 $ représente presque 5 $ si le dossier est actif pendant 4 ans.

Il est fréquent que les clients nous disent : « j’ai obtenu un partage d’imputation de 80 %, je demandais 90 %, mais je ne contesterai pas ». Faisons un calcul rapide de l’incidence de 10 % de moins d’imputation pour un dossier 2007 : 100 000 $ X 80 % = 20 000 $ imputé au dossier de l’employeur X 2.25 X 2.09 = 94 050 $

100 000 $ X 90 % = 10 000 $ imputé au dossier de l’employeur X 2.25 X 2.09 = 47 025 $

Vous pourrez donc constater que 10 % de différence sur un partage d’imputation pour un seul dossier peut représenter un potentiel de plus de 47 000 $ d’économies, en plus des intérêts sur cette somme depuis la date de cotisation, soit mars 2007 dans le présent exemple.

Bien entendu, suivre les coûts des dossiers est une opération qui peut paraître fastidieuse. Sachez toutefois que les avocates spécialisées en santé sécurité au travail du cabinet Monette Barakett peuvent vous accompagner dans vos décisions.

 

La présente chronique ne constitue pas un avis juridique et a été rédigée uniquement afin d’informer les lecteurs. Ces derniers ne devraient pas agir ou s’abstenir d’agir en fonction uniquement de cette chronique. Il est recommandé de consulter à cette fin leur conseiller juridique. © Monette Barakett SENC. Tous droits réservés. La reproduction intégrale et la distribution de cette chronique sont autorisées à la seule condition que la source y soit indiquée.