1.- Le pouvoir de la CLP d’ordonner la production d’un rapport d’expertise Kacorri c. Commission des lésions professionnelles, 2012 QCCS 1074
Une travailleuse a déposé une requête en révision judiciaire à l’encontre de décisions de la Commission des lésions professionnelles (ci-après la «CLP») et a demandé leur annulation. Elle a notamment prétendu que la CLP a violé son droit au secret professionnel en ordonnant le dépôt d’un rapport d’expert qu’elle et son avocat avaient demandé. Son avocat avait refusé de produire ledit rapport puisqu’il était défavorable à la travailleuse.
La Cour supérieure a précisé que cette expertise n’est pas un dossier médical, ni des notes cliniques d’un professionnel de la santé rédigées dans le cours ordinaire des soins et traitements. Le précédent avocat de la travailleuse avait annoncé à la CLP son intention de faire entendre cet expert. Avant l’audience, aucune objection ou refus de produire ce rapport n’a été manifesté. Le rapport est pertinent. Le tribunal a considéré que la travailleuse a renoncé à invoquer le privilège du secret professionnel de l’avocat ou le privilège relatif aux documents préparés en vue d’un litige. La Cour rappelle que « […] l’existence d’un privilège ne saurait être invoquée pour entraver le processus judiciaire […]». La requête en révision judiciaire a été rejetée.
2.- Le pouvoir de la CLP d’ordonner l’accès aux dossiers antérieurs d’un travailleur Ébénisterie Multi-Laques inc. et Biello, 2012 QCCLP 2266
L’employeur, dans le cadre d’une demande de partage d’imputation en vertu de l’article 329 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (L.R.Q., c. A-3.001, ci-après la « LATMP »), a demandé à la CLP de lui donner accès aux dossiers antérieurs du travailleur détenus par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (ci-après la « CSST»). Ces dossiers concernaient des lésions professionnelles au bras droit survenues alors que le travailleur occupait un autre emploi.
Le droit d’accès d’un employeur aux dossiers détenus par la CSST est encadré notamment par les articles 37 et 38 de la LATMP. Toutefois, comme la demande de l’employeur a été formulée dans le cadre d’un litige devant la CLP, les articles 37 et 38 n’ont pas été invoqués. La demande de l’employeur reposait sur son droit d’être entendu et, plus particulièrement, sur son droit de présenter tous les éléments de preuve pertinents à sa position. Les documents demandés par l’employeur étant de nature médicale, ils sont confidentiels. De plus, le droit à la vie privée est protégé par la Charte des droits et libertés de la personne(L.R.Q., chapitre C-12).
Selon la CLP, puisque la demande de l’employeur ne visait que les dossiers concernant le même site de lésion, il ne s’agissait pas d’une « partie de pêche ». Le travailleur invoquait lui-même ses lésions antérieures lors de conversations avec l’agent de la CSST et une résonance magnétique mettait en lumière des séquelles d’une ancienne capsulite. Finalement, tous les médecins consultés ont fait état de ces lésions antérieures. Les informations recherchées étaient nécessaires pour traiter la demande de partage d’imputation. Les antécédents du travailleur étant pertinents pour répondre à la question en litige, la CLP a donné accès à l’employeur a un dossier détenu par la CSST au sujet d’une lésion antérieure du travailleur.
3.- Bonne ou mauvaise foi : une question de preuve Pépin et Coffrages C.C.C. ltée (Les), 2012 QCCLP 2671
Un travailleur a subi une lésion professionnelle qui a été consolidée avec une atteinte permanente et des limitations fonctionnelles à la suite d’un avis du Bureau d’évaluation médicale (ci-après le « BEM»). Un emploi convenable a été retenu et le travailleur a eu droit à une formation.
En septembre 2010, la CLP a rendu une première décision. Elle a notamment déclaré que la lésion était consolidée sans atteinte permanente ni limitations fonctionnelles et que le travailleur n’avait plus droit à l’indemnité de remplacement du revenu (ci-après «IRR»). Elle a considéré que la crédibilité du travailleur était entachée après avoir pris connaissance d’une filature et d’un rapport des enquêteurs de l’employeur. La première décision de la CLP ne précisait pas la mauvaise foi du travailleur, puisque celle-ci n’était pas saisie de cette question. Quelques jours plus tard, la CSST a réclamé au travailleur plus de 170 000 $ au motif qu’il a obtenu des indemnités sans droit. Le travailleur a contesté cette décision.
Dans une seconde décision portant sur cette réclamation, la CLP a rappelé que la bonne foi se présume et qu’il appartient à la partie qui invoque la mauvaise foi d’en faire la preuve. La preuve d’une certaine intention frauduleuse doit être faite par la CSST. C’est à cette dernière d’établir que le travailleur est débiteur de la somme réclamée. La preuve administrée doit s’apparenter à celle exigée dans le contexte d’une poursuite de nature pénale. Lors de cette seconde audition, la CLP ne disposait pas de la même preuve puisque la filature et le rapport des enquêteurs n’avaient pas été mis en preuve. En l’absence de cette preuve, le tribunal n’a pas pu apprécier la notion d’intention frauduleuse nécessaire à la qualification de mauvaise foi. Seul le travailleur a témoigné, expliquant avoir suivi les conseils de ses thérapeutes. L’employeur était absent et la CSST n’est pas intervenue. La CLP concluait ne pas pouvoir se convaincre de l’intention frauduleuse en ne bénéficiant que d’une portion de la preuve présentée dans un autre dossier, dans lequel les litiges étaient différents. Ainsi, la CLP n’a pas pu le condamner à rembourser la CSST.
Doiron et Coffrages C.C.C. ltée (Les) et Commission de la santé et de la sécurité du travail, 2012 QCCLP 630
Dans cette autre décision mettant en cause le même employeur et des faits similaires, la CLP a conclu à la mauvaise foi du travailleur.
Dans une première décision, la CLP a conclu que le travailleur n’avait pas subi de lésion professionnelle, qu’il n’avait pas droit à la réadaptation, à l’indemnité pour préjudice corporel, à la détermination d’un emploi convenable, à une formation afin de le rendre capable d’exercer cet emploi ni à l’IRR. Une preuve de filature avait été déposée.
Suite à cette décision, la CSST réclamait au travailleur la somme de 113 451.41 $. Le travailleur a contesté cette réclamation
Lors de la seconde audition devant la CLP, la CSST est intervenue et était représentée à l’audience. La CLP a rappelé que l’interprétation des faits, découlant notamment de la filature, devait se faire en conjonction avec l’analyse des données médicales. La preuve a démontré que le travailleur a dissimulé des informations et a exagéré ses symptômes. L’intention manifeste du travailleur était de manipuler l’information à son avantage, afin d’être indemnisé par la CSST. La CLP a conclu que la CSST était fondée de réclamer le remboursement de la somme de 113 451,41 $.
4.- L’omission de déclarer ses limitations fonctionnelles à l’embauche : l’employeur obéré injustementPièces de carrosserie BMC ltée, 2012 QCCLP 2347
Dans le cadre d’une demande de transfert d’imputation présentée en vertu de l’article 326 (2) LATMP, la CLP a déterminé que l’employeur était obéré injustement. Lors de son embauche, le travailleur a omis de mentionner à son nouvel employeur qu’il avait conservé des limitations fonctionnelles à la suite d’une lésion professionnelle. Le travailleur a décidé d’occuper un emploi qui ne respectait pas ses limitations fonctionnelles. Alors qu’il travaillait pour l’employeur, il s’est blessé de nouveau au même site de lésion.
Selon la CLP, cette seconde lésion professionnelle a entraîné des frais considérables et des conséquences disproportionnées eu égard à l’intensité du fait accidentel survenu chez l’employeur. La CLP a conclu que l’employeur serait injustement obéré s’il devait assumer les risques pour un accident de travail survenu alors que le travailleur occupait sciemment un emploi contrevenant à sa condition. Par ailleurs, la CLP a ajouté qu’il n’est pas nécessaire de démontrer que le travailleur a délibérément menti pour démontrer que l’employeur a été obéré injustement.
Camping et Plage Gilles Fortier Inc., 2012 QCCLP 3202
L’employeur a demandé un transfert de l’imputation des coûts en vertu de l’article 326 (2) LATMP. Il a invoqué avoir été obéré injustement puisque le travailleur avait omis de lui dévoiler, lors de son embauche, qu’il avait conservé des limitations fonctionnelles suite à une lésion professionnelle à l’épaule gauche. Les limitations fonctionnelles l’empêchaient d’accomplir l’emploi pour lequel il a été embauché. L’employeur a soutenu qu’il n’aurait jamais retenu les services du travailleur s’il avait été informé des limitations de ce dernier, celles-ci étant en lien direct avec les capacités professionnelles requises par l’emploi.
Pour trancher la question en litige, la CLP a interprété les termes « obérer injustement » contenus à l’article 326 (2) LATMP. Elle a opté pour une interprétation à mi-chemin entre les courants restrictif et libéral. Elle a tenu compte de l’analyse des coûts engendrés par la lésion pour l’employeur, tout en accordant une importance significative à l’injustice subie par ce dernier dans le contexte à l’étude. Suite à cette analyse, la CLP a conclu que l’employeur avait été obéré injustement.
ACTUALITES
Nous vous informons que la CSST a déposé une requête en révision judiciaire à l’encontre de la décisionCentre hospitalier de l’Université de Montréal-Pavillon Mailloux et Commission de la santé et de la sécurité du travail, 2012 QCCLP 2553. Cette décision a été rendue par une formation de trois juges administratifs de la CLP et porte sur l’imputation des frais relatifs aux visites médicales après la consolidation d’une lésion sans atteinte permanente ni limitations fonctionnelles. Elle a fait l’objet d’une chronique spéciale rédigée par Me Linda Lauzon en mai 2012.
D’autre part, selon le nouveau projet de Règlement sur la table des indemnités de remplacement du revenu payables en vertu de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles et des indemnités payables en vertu de la Loi sur les accidents du travail pour l’année 2013, le maximum annuel assurable sera de 67 500 $ en 2013. Il s’agit d’une augmentation de 1 500 $ par rapport à 2012. Ce projet de règlement pourra être édicté par la CSST à compter du 12 août 2012.
LES BONNES PRATIQUES À ADOPTER
Pour les dossiers de lésions professionnelles survenues en 2011, le 8e trimestre correspond à la période du 1er octobre au 31 décembre 2012. Pour éviter l’application de ce facteur multiplicateur de 8 (environ), il faut s’assurer que les lésions soient consolidées ou que les travailleurs soient de retour au travail, régulier ou en assignation temporaire, avant le 1er octobre 2012. Ils doivent également demeurer au travail jusqu’au 1er janvier 2013.