Pour des motifs qui reposent sur la qualité des services, sur la sécurité des enfants et sur leur mieux-être, un employeur peut refuser d’octroyer les vacances demandées par des éducatrices en garderie. C’est la conclusion à laquelle est arrivé l’arbitre Me Nicolas Cliche dans une affaire récente concernant les droits de la direction d’un centre de la petite enfance (ci-après « CPE »)1.
Dans cette affaire, le syndicat contestait le refus de l’employeur de respecter les choix de vacances selon l’ancienneté des salariés et lui reprochait d’avoir limité de façon très significative le nombre d’éducatrices qui pouvaient partir au même moment. Il reprochait également à l’employeur d’avoir interdit toute prise de vacances à un moment précis de l’année, soit lors de la rentrée en septembre.
La directrice générale du CPE a témoigné à l’effet qu’elle avait pris la décision de conserver, en tout temps, au moins une éducatrice régulière par étage à l’une des installations du CPE où les groupes d’enfants sont répartis sur trois étages. Chaque groupe a son local, mais plusieurs activités de la journée ont lieu en même temps sur l’étage, notamment les siestes et les sorties extérieures. Une éducatrice régulière, en plus des enfants de son groupe, connaît aussi tous les enfants des autres groupes qui sont sur le même étage. Elle est également une personne ressource concernant les programmes spécifiques d’intervention et un repère pour les éducatrices remplaçantes pendant la période des vacances. Il y a ainsi une continuité dans la qualité du service.
La directrice générale a expliqué que les enfants développent un lien d’attachement avec leur éducatrice désignée ainsi qu’avec les éducatrices qu’ils côtoient quotidiennement. Ce lien les aide à se développer. Elle a souligné que les changements dans la routine des enfants entraînent une instabilité et qu’il a été observé que lorsque plusieurs éducatrices s’absentaient pour des vacances au même moment, les enfants étaient plus turbulents. Il devenait donc essentiel d’octroyer les vacances en tenant compte des particularités de chacun des étages de l’installation.
La directrice générale a refusé l’octroi de vacances lors de la rentrée de septembre puisque la charge de travail est plus lourde à cette époque de l’année où il y a formation de nouveaux groupes d’enfants. Elle considérait qu’il est normal et souhaitable que les nouveaux enfants rencontrent leur éducatrice régulière dès le début de l’année.
Les parties ont débattu sur la notion de « besoins du service ». En effet, selon la convention collective, l’employeur ne pouvait refuser d’octroyer des vacances « sans que les besoins du service le justifient »2. Pour le syndicat, la nécessité d’avoir un visage connu n’entrait pas dans cette notion. L’employeur a plaidé que la décision prise relevait de son droit de gérance et qu’elle n’était pas abusive, discriminatoire ou contraire à la convention collective. Il a appuyé sa position sur une décision portant sur des faits semblables rendue dans le secteur des CPE3.
L’arbitre a conclu que l’employeur pouvait prendre la décision de garder en poste une éducatrice régulière par étage. Il était d’avis qu’il était logique d’agir ainsi et qu’il ne pouvait réviser cette décision, car elle n’était pas contraire à la convention collective, à une loi, à un règlement ou à une politique; au surplus, elle n’était pas abusive, empreinte de mauvaise foi, de caprice, de discrimination ou de vengeance.
Me Cliche a conclu que l’employeur pouvait refuser d’accorder des vacances lors de la rentrée de septembre. Il a considéré qu’il était normal et souhaitable que les nouveaux enfants rencontrent leur éducatrice régulière et ce, dès le début de l’année, ajoutant qu’il serait pour le moins questionnable que les enfants doivent rencontrer une éducatrice remplaçante lors de la rentrée. L’interdiction de toute prise de vacances en septembre est, selon l’arbitre, dictée par le bon jugement et elle est tout à fait cohérente, normale et ne constitue pas un abus. Il a ajouté que la décision était logique, intelligente et qu’elle s’appliquait à la réalité de la situation.
Tous les griefs ont donc été rejetés, puisque l’employeur avait agi pour des motifs qui reposent sur la qualité du service, sur la sécurité des enfants et sur leur mieux-être.