À l’automne 2013, la Cour supérieure s’est penchée sur un cas qui semble être de plus en plus courant dans le réseau de la santé et des services sociaux, soit une mésentente entre un mandataire d’une personne inapte et un établissement. Le juge Richard Nadeau a donné raison à la Résidence de Lachute et à sa directrice générale représentées par notre cabinet dans l’affaire van Lith (Succession de) c. Résidence de Lachute (2013 QCCS 4846). Cette chronique résume les évènements ayant mené au litige ainsi que la décision rendue par la Cour supérieure.
Le 20 avril 2006, M. van Lith est hébergé à la Résidence de Lachute puisque son maintien à domicile n’était plus possible. Il souffre d’Alzheimer, mais demeure très mobile et a une stature imposante. M. van Lith fait de l’errance, fugue, et a parfois des comportements dangereux envers le personnel, les autres usagers et lui-même, ce qui inquiète les personnes qui l’entourent.
L’épouse de M. van Lith, désignée mandataire de celui-ci suite à l’homologation d’un mandat en prévision de l’inaptitude, désire être informée des moindres détails quant à la prestation des soins et services prodigués à son mari. Elle désire consentir explicitement avant l’administration de toute médication même celle à administrer en cas de besoin.
Étant donné le danger que M. van Lith représente pour les autres usagers et pour le personnel, la Résidence de Lachute recommande à la mandataire que celui-ci soit soumis à une évaluation psychogériatrique à l’Institut universitaire en santé mentale Douglas (ci-après « Douglas »), ce qui requerrait que celui-ci y soit transporté puis hébergé pendant un certain temps. Malgré plusieurs discussions avec l’établissement qui insiste sur la nécessité de l’évaluation, la mandataire la refuse.
Étant donné le danger qu’il représente, la direction de l’établissement décide de transporter l’usager à l’urgence de Douglas, sans le consentement de la mandataire, mais sur recommandation d’un médecin. L’objectif de l’établissement était qu’un psychiatre puisse se prononcer quant à la dangerosité de l’usager et sur la nécessité d’une évaluation psychogériatrique. La mandataire, après discussion avec le psychiatre de Douglas, accepte finalement que son mari y soit admis, hébergé et évalué. La mandataire a ensuite allégué qu’elle n’avait pas réellement consenti à cette évaluation, ce qui n’a pas été retenu par le juge.
Suite à ces évènements, la mandataire a poursuivi l’établissement pour violation des droits de l’usager. Elle a réclamé des dommages moraux et punitifs alléguant que l’établissement aurait dû obtenir une autorisation du tribunal avant de procéder ainsi et qu’il avait fait fi de son mandat.
Le juge Nadeau rejette le recours. Il note que la mandataire a tenté de prendre le contrôle de la gestion du séjour de son mari au lieu de faire confiance aux membres du personnel de l’établissement qui lui fournissaient des informations. Il fait également les commentaires suivants sur l’absence de consentement au transport à l’Institut Douglas :
« [61] Bref, le transport de monsieur vers le Douglas aurait peut-être nécessité le consentement de madame et, dans un cas normal, ce consentement aurait été donné sans problème. Malheureusement ici, l’obstination de madame et de ses filles à réduire au minimum les soins à monsieur constituait un obstacle et un danger potentiel pour les autres patients de la Résidence qui devaient être écartés, comme en a décidé à bon droit D’Aragon. »
Finalement, le juge indique que la décision de la mandataire et de ses filles de faire héberger l’usager dans un établissement public assujettissait les besoins de celui-ci aux exigences d’un plus grand nombre d’usagers qui avaient aussi des droits, dont le droit à leur sécurité.