Le droit à l’indemnité de remplacement du revenu

Le 20 avril dernier, la Commission de la santé et de la sécurité du travail (ci-après, la « CSST ») a publié une nouvelle politique portant, notamment, sur le droit à l’indemnité de remplacement du revenu (ci-après, l’ « IRR ») des travailleurs.

La CSST exprime vouloir se conformer ainsi à des jugements des tribunaux, référant plus particulièrement à la décision de la Cour supérieure dans Société canadienne des postes c. Commission des lésions professionnelles, 2008 QCCS 1761; confirmée par la Cour d’appel (Société canadienne des postes c.Morissette, 2010 QCCA 291).

Dans cette décision, la Cour d’appel a décidé qu’ « il était raisonnable de conclure que la date à compter de laquelle [la travailleuse] était redevenue capable d’exercer son emploi coïncidait avec celle de son retour au travail ». Se basant sur l’article 57 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (Chapitre A-3.001, ci-après, la « LATMP »), la Cour concluait que le droit à l’IRR prenait fin lorsque le travailleur redevient capable d’exercer son emploi. Par conséquent, la date de fin doit correspondre au moment où il est avisé qu’il ne conserve aucune limitation fonctionnelle ni atteinte permanente, soit à la date de la décision de capacité de la CSST.

Concrètement, lorsqu’un employeur contestait un rapport médical final et que le Bureau d’évaluation médicale (ci-après, le « BEM ») rendait un avis confirmant une consolidation rétroactive sans limitations fonctionnelles, la CSST avait pris l’habitude de rendre une décision à l’effet que le travailleur était « capable rétroactivement » à occuper son emploi. La CSST déclarait aussi que les IRR avaient été perçues de bonne foi et que, par conséquent, les prestations reçues entre les deux dates étaient qualifiées de surpayées non recouvrables. Elles n’étaient pas imputées du dossier de l’employeur.

Par l’application de la nouvelle politique de la CSST, un avis du BEM qui déclare une lésion consolidée rétroactivement, sans séquelles ni limitations fonctionnelles, n’aura aucun effet sur le droit à l’IRR. Les prestations prendront fin à la date de la décision de la CSST informant le travailleur de sa capacité à exercer son emploi. Par conséquent, les décisions n’auront plus de portée rétroactive et toutes les prestations demeureront imputées au dossier de l’employeur.

Afin d’obtenir une désimputation de ces prestations, les employeurs n’auront aucune autre alternative que de contester systématiquement les décisions de capacité afin que la Commission des lésions professionnelles (ci-après, la « CLP ») puisse se saisir de cette question. Puisque cette dernière n’est pas liée par les politiques de la CSST, elle pourra rendre une décision ayant une portée rétroactive. Toutefois, il ne faut pas oublier que la décision Morrissette est une décision rendue par la Cour d’appel. La CLP pourrait décider de suivre ou non cette tendance.

Compte tenu des démarches juridiques qui seront rendues nécessaires par cette nouvelle politique et du fait que nous ne connaissons pas à ce jour l’orientation que prendra la CLP, nous vous recommandons de bien calculer les impacts financiers afin de prendre une décision éclairée. Tout employeur devrait se poser, notamment, les questions suivantes avant de décider de soumettre un litige au BEM :

1- Des IRR ont-elles été versées depuis la date de consolidation de votre médecin expert? Le travailleur est-il en assignation temporaire pendant cette période?

2- Des traitements ont-ils été reçus? Si oui, quel en est le coût?

3- Ces sommes sont-elles imputées dans un trimestre impliquant une application d’un facteur de chargement plus important?

4- Est-ce un dossier qui a atteint sa limite de coûts? Fait-il partie d’une année qui s’avère irrécupérable?

Le droit à l’assistance médicale

Une nouvelle politique concernant le droit à l’assistance médicale s’applique également depuis le 20 avril 2015. Cette politique fait suite à la décision rendue par trois juges administratifs dans CHUM-Pavillon Mailloux et CSST, 2012 QCCLP 2553; confirmée par la Cour supérieure, 2013 QCCS 1289. Toutefois, son application soulève plusieurs questionnements. Ce sujet sera traité dans une prochaine chronique.

Nous attirons votre attention sur vos sommaires des sommes acheminés mensuellement par la CSST qui devraient prendre une nouvelle forme au cours des prochains mois. Il est essentiel de vérifier si un délai de contestation est indiqué sur ces nouveaux sommaires. Si vous désirez contester le droit du travailleur à une prestation, il sera important de respecter le délai indiqué. Nous y reviendrons dans une prochaine chronique.

La présente chronique ne constitue pas un avis juridique et a été rédigée uniquement afin d’informer les lecteurs. Ces derniers ne devraient pas agir ou s’abstenir d’agir en fonction uniquement de cette chronique. Il est recommandé de consulter à cette fin leur conseiller juridique. © Monette Barakett SENC. Tous droits réservés. La reproduction intégrale et la distribution de cette chronique sont autorisées à la seule condition que la source y soit indiquée.