La négociation d’une convention collective entraîne son lot de défis et peut s’avérer un exercice de longue haleine. Le Code du travail prévoit l’obligation de commencer les négociations et les poursuivre avec diligence et de bonne foi (article 53 C.t.).
Dans une décision rendue le 7 juin 2017, le Tribunal administratif du travail (ci-après appelé « TAT ») a eu à se prononcer sur une plainte de négociation de mauvaise foi de la part de quatre syndicats régionaux de CPE (Montréal-Laval, Montérégie, Estrie et Mauricie-Centre-du-Québec), affiliés à la FSSS-CSN.1
Quatre associations patronales de CPE et l’Association patronale nationale des CPE (ci-après appelée « l’APNCPE ») avaient déposé au TAT une requête pour forcer le début des négociations bloquées par le refus des syndicats de négocier sans condition préalable. Au terme du débat, le TAT déclare que les syndicats ont manqué à leurs obligations de négocier avec diligence et de bonne foi.
Au cœur du débat se trouvaient un historique de négociations regroupées par région et une dernière négociation par palier (clauses monétaires et clauses normatives).
En effet, un débat subsistait entre l’APNCPE et les syndicats concernant le début de la négociation et la forme que devait prendre cette négociation. Les syndicats désiraient que l’APNCPE accepte de négocier à une autre table nationale et refusaient de débuter les négociations regroupées tel que cela avait été fait auparavant.
Malgré de multiples tentatives et démarches attestées par la preuve dans ce dossier, les syndicats ont maintenu cette position et ont obligé les associations d’employeurs au sens du Code du travail à déposer une plainte de négociation de mauvaise foi.
La juge administrative Zaïkoff réitère les principes très connus en matière de négociation de bonne foi et analyse plus particulièrement les faits dans le dossier.
Dans un premier temps, elle considère que la position manifeste de la CSN dans le dossier équivaut à imposer une condition préalable à la négociation. En effet, elle conclut que par le maintien et le refus de négocier, la CSN imposait donc une condition préalable à la négociation ce qui ne respecte pas les dispositions de la convention collective.
« En refusant d’entamer toute négociation et en restant campés sur une position qui voulait imposer à l’APNCPE une condition préalable et déraisonnable, la FSSS-CSN et les syndicats CSN défendeurs ont manqué à leur obligation de négocier de bonne foi. »
Le deuxième aspect soulevé dans cette affaire concerne le statut d’association d’employeurs au sens du Code du travail. En effet, la CSN, qui refusait de négocier de bonne foi et de façon regroupée pour l’ensemble des CPE membres des Associations patronales requérantes, considérait qu’une négociation locale dans chacun des CPE devait être retenue. Or, tel que démontré dans la preuve, le modèle de négociation pour les membres dans le milieu était une négociation regroupée et non locale.
De plus, des dispositions concernant la reconnaissance du statut d’agent négociateur des associations dans les conventions collectives ont aussi permis à la juge administrative de conclure que les négociations regroupées étaient le modèle qui devait trouver application.
La juge administrative considère donc que la négociation regroupée a été choisie par le passé et les parties s’étaient engagées à continuer à négocier selon cette formule. Elle conclut que la volonté des syndicats CSN de négocier de façon locale visait manifestement à forcer la main à l’employeur d’accepter le modèle proposé par la CSN. Notons au passage le paragraphe 87 de la décision :
« Ces tactiques renforcent l’idée que le seul objectif est demeuré de forcer l’APNCPE à intégrer la table de négociation nationale. Ainsi, les avis de négociation locale qui ont été transmis ne révèlent pas une volonté d’amorcer un « véritable dialogue » dans le but de négocier les conditions de travail, mais de placer l’APNCPE dans une position intenable. »
La juge administrative conclut donc que les dispositions du Code du travail concernant la négociation de bonne foi n’ont pas été respectées et ordonne au syndicat de débuter les négociations sans délai.
Cette décision, l’une des rares où les parties syndicales se voient sanctionnées pour le non‑respect des dispositions du Code du travail, démontre l’importance de bien s’assurer de demeurer ouvert à la négociation selon les formes reconnues par les parties et non pas d’imposer quelconque condition préalable avant d’initier les échanges.