Le Code civil du Québec 1 énonce qu’un contrat est formé par le seul échange de consentement 2. Or, en contexte de rapports collectifs du travail, il faut se rappeler que le syndicat demeure le seul représentant des salariés. De plus, les conventions collectives en vigueur dans le réseau de la santé prévoient plusieurs formalités dont celles entourant la conclusion d’une entente particulière. Ainsi, une entente intervenue avec un salarié sans l’approbation écrite du syndicat peut être invalidée par un tribunal d’arbitrage.
C’est en effet ce que nous rappelle un arrêt de la Cour d’appel dans l’affaire Syndicat des employés de l’Hôtel-Dieu de Roberval (CSN) c. Centre de santé et de services sociaux Domaine du Roi 3. Dans cette affaire, la Cour d’appel infirme le jugement de la Cour supérieure ayant révisé une décision rendue par un tribunal d’arbitrage.
Les faits de cette affaire sont les suivants : un salarié, ayant déposé cinq griefs dont l’un contestant sa mise à pied, choisit de retenir les services d’un avocat pour négocier avec l’employeur; un règlement total et global intervient pour une somme de 50 000 $ en capital, intérêts et frais. Cette entente est confirmée dans une lettre signée à la fois par le salarié et son procureur. De plus, l’agent de griefs est prévenu et donne verbalement son accord à cette entente.
Or, le salarié change par la suite son fusil d’épaule en refusant de donner suite à l’accord.
L’employeur prétend qu’il y a eu règlement des griefs alors que le syndicat, se fondant sur une disposition de la convention collective, allègue qu’il devait approuver par écrit la transaction afin que celle-ci soit valide.
Le tribunal d’arbitrage tranche en faveur de la position syndicale : faute d’écrit, aucune transaction valide n’a été conclue. Suivant le tribunal d’arbitrage, une entente de règlement de griefs constitue une « entente particulière » portant sur les conditions de travail. Une telle entente n’est valide que si elle rencontre les exigences prévues à l’article 5.03 de la convention collective qui stipule ce qui suit :
« 5.03. Aucune entente particulière relative à des conditions de travail différentes de celles prévues dans la présente convention, ou aucune entente particulière relative à des conditions de travail non prévues dans la présente convention, entre une personne salariée et l’employeur, n’est valable à moins qu’elle n’ait reçu l’approbation écrite du syndicat. » (nos caractères gras)
La Cour supérieure accueille la requête en révision judiciaire estimant que cette décision est déraisonnable. La Cour supérieure est plutôt d’opinion qu’il y a eu une transaction 4 valide entre l’employeur et le salarié. Suivant la Cour supérieure, l’entente intervenue n’est pas une « entente particulière » portant sur les conditions de travail et ne requiert donc pas l’approbation écrite du syndicat.
La Cour d’appel infirme cette décision de la Cour supérieure. Selon la Cour d’appel, la Cour supérieure a appliqué la mauvaise norme d’intervention et substitué son opinion à celle du tribunal d’arbitrage. La Cour d’appel ajoute que l’exigence d’un écrit formel, tel que le requiert l’article 5.03 de la convention collective, n’est pas exagérée, n’a rien d’inhabituel et vise à éviter toute confusion ou désaveu d’un agent de griefs qui aurait excédé ses pouvoirs.
Il convient de préciser que la Cour d’appel a cassé la décision rendue par le juge de la Cour supérieure et, par conséquent, maintenu la décision arbitrale au seul motif que cette dernière n’était pas déraisonnable; la Cour d’appel se garde bien d’émettre son opinion sur le fond du débat. En effet, elle écrit :
« 19. Le juge ne fait pas voir en quoi la sentence serait déraisonnable. Il donne son avis qui paraît tout aussi sensé et fondé que celui du Tribunal, mais là n’est pas la question, c’est l’avis du Tribunal qui prime et il ne saurait être écarté que s’il est déraisonnable. » (nos caractères gras)
D’ailleurs, il convient de souligner qu’à plusieurs reprises des tribunaux d’arbitrage ont maintenu des ententes verbales intervenues entre l’employeur et un représentant syndical et ce, bien que de telles ententes avaient par la suite été désavouées par un salarié ayant changé d’idée 5 no AZ-50446973 (J.Vézina).].
Cette décision rappelle néanmoins que l’absence d’approbation écrite du syndicat, lorsque cette formalité est prévue à la convention collective, pourrait être fatale à la validité d’une transaction visant à régler des griefs. De plus, elle témoigne du fait qu’il serait toujours préférable de négocier une entente avec un représentant syndical plutôt qu’avec un salarié (ou son procureur) puisque le syndicat est le seul représentant autorisé.