Depuis de nombreuses années, les ressources non institutionnelles telles que les ressources intermédiaires (RI) et les ressources de type familial (RTF) sont des partenaires essentiels des établissements de santé et de services sociaux dans le cadre de l’offre globale de services à la population.
Ce partenariat est appelé à évoluer avec l’adoption le 12 juin dernier du projet de loi no 49 intitulé « Loi sur la représentation des ressources de type familial et de certaines ressources intermédiaires et sur le régime de négociation d’une entente collective les concernant et modifiant diverses dispositions législatives » (ci-après la « Loi ») 1.
Dans le cadre de la présente chronique, nous présenterons sommairement l’impact de l’adoption de cette loi sur la gestion des RI et des RTF, sur l’application des ententes actuellement en cours et sur leur mode de terminaison.
PRÉSENTATION DE LA LOI L’adoption de la Loi fait suite au jugement de la Cour supérieure 2 qui invalidait les lois 7 et 8 qui empêchaient la reconnaissance du statut de salarié, notamment pour les responsables des RI et des RTF 3.
Cette Loi vise à instaurer un régime de représentation pour les RTF et certaines RI visées par la Loi sur les services de santé et les services sociaux (LSSSS) 4 ainsi qu’un régime de négociation d’une entente collective les concernant. Elle a ainsi pour objet de créer un régime de représentation spécifique à certaines ressources non institutionnelles sans leur reconnaître le statut de salarié au sens du Code du travail 5.
D’ailleurs, le législateur a modifié la définition de « ressource intermédiaire » prévue à l’article 302 LSSSS pour spécifier qu’une ressource intermédiaire agit à titre de « travailleur autonome » 6. De plus, l’article 63 de la Loi précise que l’exercice de différents pouvoirs et responsabilités de l’agence de la santé et des services sociaux (agence) et des établissements à l’égard des ressources « n’a pas pour effet de créer un lien de subordination juridique des ressources à l’égard de l’établissement public ou de l’agence (…)».
APPLICATION DE LA LOI La Loi s’applique à toutes les RTF au sens de la LSSSS alors qu’elle s’applique uniquement aux RI qui rencontrent les deux exigences suivantes :
«1 elle accueille à son lieu principal de résidence, un maximum de neuf usagers qui lui sont confiés par un ou plusieurs établissements publics;
2 en l’absence temporaire d’usagers, elle maintient son lieu principal de résidence pour être utilisé comme résidence de telles personnes. (…)» 7
La Loi ne s’applique donc pas aux RI accueillant plus de neuf usagers ou à celles qui les accueillent dans une autre installation que leur lieu principal de résidence.
La Loi ne s’applique également pas aux RI qui offrent leurs services au moyen d’une personne morale ni aux employés embauchés directement par les ressources visées par la Loi pour les aider ou pour les remplacer temporairement 8.
NÉGOCIATION ET CONCLUSION D’UNE ENTENTE COLLECTIVE
En vertu de la Loi, le ministre peut, avec l’autorisation du Conseil du trésor, négocier et conclure une entente collective avec une association reconnue de ressources ou avec un groupement de telles associations 9. Seules les ressources représentées par une association reconnue ou par un groupement de telles associations sont visées par l’entente collective ainsi conclue. Cette entente collective lie alors tous les établissements publics auxquels ces ressources sont rattachées 10.
Toutefois, en vertu de l’article 303 LSSSS, le ministre peut déterminer la rétribution applicable pour chaque type de service prévu pour les ressources intermédiaires visées par la Loi, mais qui ne sont pas représentées par une association reconnue en vertu de cette dernière. Il peut également leur rendre applicable en vertu de l’article 64 de la Loi tout élément d’une entente qu’il a conclue avec une association reconnue de ressources ou un groupement de telles associations.
Le ministre peut enfin conclure avec un ou plusieurs organismes représentatifs de RI non visées par la Loi une entente collective qui portera sur les matières prévues à l’article 303.1 LSSSS. Les RI et RTF visées par la Loi seront dorénavant régies principalement par l’entente collective conclue entre le ministre et les associations auxquelles elles appartiennent. L’entente spécifique conclue entre ces ressources et les établissements concernés complètera toutefois le régime contractuel qui leur sera applicable.
CONTENU DE L’ENTENTE COLLECTIVE
Le contenu général d’une telle entente est prévu à l’article 33 de la Loi :
« 33. Une entente collective peut notamment porter sur les matières suivantes :
1 les modes et l’échelle de rétribution des services et des rétributions spéciales des ressources visées par l’entente, en tenant compte de la classification établie par le ministre en vertu de l’article 303 de la Loi sur les services de santé et les services sociaux, et les diverses mesures et modalités relatives au paiement de cette rétribution ;
2 les montants destinés à donner accès à des programmes et à des services répondant aux besoins des ressources, notamment en matière de régimes sociaux, de santé, de sécurité, de formation et de perfectionnement ;
3 les conditions et modalités applicables aux congés dont peuvent bénéficier les ressources ;
4 la procédure de règlement d’une mésentente relative à l’interprétation ou à l’application d’une entente collective ;
5 la mise sur pied de comités pour établir les modalités d’application des différents programmes. » (Nos caractères gras)
Cette entente ne peut porter sur l’exercice des pouvoirs et des responsabilités dévolues par la LSSSS et ses règlements aux établissements ou aux agences 11. Elle ne peut également porter sur les matières exclusives d’une entente spécifique conclue entre un établissement et une ressource visée par la Loi 12.
CONTENU D’UNE ENTENTE SPÉCIFIQUE
L’article 55 de la Loi édicte le contenu d’une telle entente comme suit :
« 55. Une entente spécifique entre un établissement public et une ressource visée par une entente collective ne peut contrevenir aux dispositions de cette dernière. Elle doit porter exclusivement sur le nombre de places reconnues à la ressource, le type d’usagers pouvant lui être confiés, l’identification des répondants des parties aux fins de leurs relations d’affaires et sa durée. (…)» (Nos caractères gras)
Cette disposition précise également qu’une telle entente n’est pas visée par l’article 108 LSSSS ni n’est assujettie à la Loi sur les contrats des organismes publics 13 .
PÉRIODE DE TRANSITION POUR LES CONTRATS EN COURS
Il faut souligner que plusieurs dispositions de la Loi, entre autres, les articles 33 et 55 concernant le contenu des ententes (collectives et spécifiques), ne sont pas encore en vigueur 14.
Dans l’intervalle, les contrats déjà signés entre les établissements et une RTF ou une RI visée par la Loi sont maintenus jusqu’à l’entrée en vigueur d’une entente collective qui leur est applicable 15. Les contrats types actuellement utilisés par les établissements et qui font l’objet d’une entente en cours avec une telle ressource, cesseront donc d’avoir effet à compter de cette date, à l’exception des éléments qu’ils contiennent et qu’il est loisible aux parties d’inclure dans une entente spécifique 16.
Les contrats déjà signés avec des ressources qui ne sont pas représentées par une association reconnue, seront également maintenus jusqu’à l’exercice du pouvoir du ministre prévu à l’article 64 de la Loi 17
Quant aux contrats conclus par les établissements avec des ressources intermédiaires non visées par la Loi, ils sont maintenus jusqu’à l’entrée en vigueur d’une nouvelle entente conclue en application de l’article 303.1 LSSSS avec un ou plusieurs organismes représentatifs et cesseront d’avoir effet à compter de cette date 18.
RÔLE DE L’AGENCE
L’article 55 de la Loi octroie un nouveau pouvoir de surveillance aux agences concernées à l’égard de la terminaison des ententes spécifiques par les établissements:
« L’établissement public signataire ne peut modifier l’entente spécifique, y mettre fin avant l’arrivée du terme ou empêcher son renouvellement sans avoir obtenu l’autorisation de l’agence concernée. »
Lors de l’entrée en vigueur d’une entente collective qui est applicable à une RTF ou à une RI visée par la Loi, l’établissement devra en conséquence obtenir l’autorisation de l’agence concernée avant de résilier une entente spécifique conclue avec l’une de ces ressources ou même avant de ne pas renouveler une telle entente.
DISPOSITIONS TRANSITOIRES EN MATIÈRE D’ACCRÉDITATION
Toute accréditation accordée à une association représentant des ressources en vertu du Code du travail, toute requête en accréditation pendante et tous les recours en découlant déposés par une telle association ou par une ressource devant la Commission des relations du travail sont caducs 19.
Une accréditation obtenue en vertu du Code du travail avant le 18 décembre 2003 à l’égard de ressources visées à la présente Loi, est par contre réputée être une reconnaissance accordée en vertu de cette Loi 20
Quant à une requête en accréditation déposée à la Commission des relations du travail avant le 12 juin 2009 concernant des ressources visées à la présente Loi, elles seront traitées par la Commission en vertu des dispositions du Code du travail et à cette seule fin, ces ressources seront assimilées à des salariés au sens du Code du travail 21
CONCLUSION
La relation entre les établissements de santé et de services sociaux et les ressources non institutionnelles sera grandement modifiée par l’adoption de la Loi. Les gestionnaires des établissements devront revoir leur façon d’interagir avec elles à la lumière du contenu des ententes collectives à intervenir entre le ministre et les associations.
Une analyse du contenu des ententes applicables (collective et spécifique) sera particulièrement importante lors de la décision de mettre fin à l’entente spécifique liant l’établissement à l’une de ces ressources non institutionnelles. Les modes de terminaison des contrats pourraient être grandement modifiés.
Dans l’intervalle, les établissements doivent s’assurer de respecter les exigences des contrats actuellement en cours avant de prendre une telle décision qui est susceptible de contestation par la ressource devant les tribunaux de droit commun.
Peu importe l’entente qui sera applicable à une ressource, comme le souligne la Cour supérieure dans une affaire récente 22, un contrat conclu avec une ressource qui a la responsabilité de personnes vulnérables, aura toujours comme fondement la confiance que l’établissement doit avoir envers elle.