Le 17 juin dernier, l’arbitre Me André G. Lavoie a rendu une décision très attendue de plusieurs Centres de la petite enfance dont la convention collective inclut la Lettre d’entente #2 sur les congés annuels. Dans l’affaire Syndicat des travailleuses et travailleurs en petite enfance de la Montérégie-CSN et Association patronale des Centres de la petite enfance de la Montérégie (APCPEM) – CPE La Campinoise (2016 CanLII 36408) le tribunal a tranché : pour la période 2016-2017, les travailleuses auront droit à une indemnité compensatrice versée le 15 avril 2017, mais non pas à la prise en temps du nombre de semaines de congé annuel dont elles bénéficiaient sous leur ancienne convention collective.

Lors de la négociation de la convention collective 2012-2015 regroupée, les parties avaient convenu de modifier le nombre de semaines de congé annuel payé, de sorte que certaines travailleuses étaient désormais désavantagées par rapport aux conditions dont elles bénéficiaient sous la convention collective précédente. Afin de remédier à cet inconvénient, les parties ont négocié, au niveau national, la Lettre d’entente #2. Cette lettre d’entente prévoyait l’engagement de l’employeur à maintenir les conditions supérieures de l’ancienne convention collective, applicables le jour précédent la signature de la convention collective, et ce, jusqu’à la première (1re) des dates suivantes : le jour du renouvellement de la convention collective ou le 31 mars 2016 (ci-après la «période de maintien»). Les travailleuses bénéficiaient donc des conditions supérieures de l’ancienne convention collective (compensation « en temps »), puis d’une indemnité compensatrice correspondant à 2% du salaire gagné entre la fin de la période de maintien, soit le 31 mars 2016, et le 30 juin 2018, versée les 15 avril 2017 et 15 juillet 2018 (compensation « en argent »).

Cette lettre d’entente apparaissait claire tant pour le syndicat que pour les employeurs, mais un conflit d’interprétation les divisait. La position du syndicat quant à l’interprétation de cette lettre d’entente était que pour l’été 2016, les travailleuses continuaient de bénéficier des vacances en temps, alors que pour les employeurs, la prise de semaine de vacances additionnelle cessait au 31 mars 2016 et y était substituée une indemnité compensatrice. Ainsi, plusieurs centaines de griefs ont été déposés dans de nombreux CPE de différentes régions qui cessaient, comme les employeurs le soutenaient, d’offrir les semaines de vacances en temps après le 31 mars 2016.

Le CPE La Campinoise était l’un de ceux-ci et l’arbitre Lavoie devait enfin vider le débat. Au soutien des griefs, la partie syndicale a soumis que, comme les travailleuses avaient cumulé leurs congés annuels du 1er avril 2015 au 31 mars 2016 celles-ci bénéficiaient toujours du nombre supérieur de semaines pour la période de prise du congé annuel (1er avril 2016 au 31 mars 2017). Celles-ci devaient également bénéficier de l’indemnité compensatrice au 15 avril 2017. La partie patronale, quant à elle, était d’avis que l’indemnité à être versée le 15 avril 2017 visait justement à compenser pour la période du 1er avril 2016 au 31 mars 2017, et que la période de « maintien » prenant fin le 31 mars 2016, les travailleuses ne sauraient bénéficier d’une compensation « en temps » après cette date. Autrement, elles recevraient une double compensation.

Le tribunal a rejeté les griefs en rappelant le caractère exceptionnel d’une lettre d’entente et en soulignant la nécessité de s’en tenir à ce qui y est expressément prévu. Il retient la position de l’employeur et mentionne que la Lettre d’entente #2 ne laisse place à aucune ambiguïté : le maintien des conditions supérieures cesse le 31 mars 2016 et toute compensation due après cette date ne pourra l’être en temps. La date du 31 mars 2016 constitue une date butoir, après laquelle débute un nouveau régime de compensation, en argent.

À la lumière de cette décision, les travailleuses dont les conditions de travail sont régies par une convention collective comportant cette lettre d’entente bénéficieront pour l’année 2016-2017 du nombre de semaines de congé annuel prévu à la « nouvelle convention collective » (2012-2015) et elles recevront le 15 avril 2017 une indemnité compensatrice représentant 2% du salaire gagné entre le 1er avril 2016 et le 31 mars 2017.

Ainsi, pas de double compensation en CPE en matière de congé annuel, décide l’arbitre.

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