Avec la rentrée scolaire qui bat son plein à travers le Québec, les enseignants, professeurs et autres employés du milieu de l’éducation sont appelés à rencontrer de nouveaux élèves, étudiants et parents. Dans la majorité des cas, ce sera le point de départ de relations harmonieuses et empreintes de respect. Parfois, malheureusement, ce sera le début d’interactions plus complexes, voir nocives. Que ce soit à l’occasion de la rentrée ou en cours d’année, l’employé d’un établissement scolaire peut effectivement devenir la cible de divers comportements inappropriés, comme de l’incivilité, de l’intimidation, de la cyberintimidation, de la violence ou du harcèlement. Ces comportements peuvent être perpétrés par un collègue, un supérieur ou même un tiers, par exemple l’élève, l’étudiant ou le parent. La présente chronique traite plus spécifiquement de cette dernière catégorie.
À titre illustratif, un rapport1 publié en juin 2018 par le Service aux collectivités de l’UQAM que nous avons consulté le 16 août 2018, révèle qu’en moyenne, un enseignant sur huit aurait subi de la cyberintimidation au courant des années scolaires 2015-2016 et 2016-2017. Diffusion de rumeurs, partage de photos, utilisation de surnoms, propos à caractère sexuel et menaces sont autant de formes qu’emprunte la cyberintimidation. Les parents seraient à l’origine de près de 40% de ces cas (60% au niveau du primaire), alors que les élèves représenteraient plus de 36% d’entre eux (60% au niveau du secondaire et aux niveaux supérieurs). C’est surtout par l’utilisation de Facebook (70%) et des courriels (50%) que sont véhiculés ces comportements répréhensibles.
Les responsabilités de l’établissement en tant qu’employeur
Dans un tel contexte, quelles sont les obligations qui incombent à l’établissement scolaire ? D’emblée, le Code civil du Québec et la Loi sur les normes du travail (RLRQ, c. N-1.1, ci-après la « LNT ») obligent chaque employeur à prendre tous les moyens raisonnables en vue de protéger la santé, la sécurité et la dignité de ses employés. Spécifique au milieu de l’éducation, la Loi sur l’instruction publique (RLRQ, c. I-13.3) exige même que les établissements adoptent des mesures visant à prévenir et à contrer toute forme d’intimidation ou de violence, que ce soit à l’endroit d’un enseignant ou de tout autre membre du personnel.
À défaut de protéger convenablement ses employés, un établissement pourrait éventuellement, à la suite du dépôt d’un grief ou d’une plainte en vertu de la LNT, être condamné par un tribunal à payer une indemnité ou des dommages et intérêts, à financer le soutien psychologique requis par la victime ou même à mettre en œuvre tous moyens jugés raisonnables afin que cesse le comportement répréhensible.
Outre ces conséquences directes, l’établissement a tout intérêt à respecter ses obligations en la matière, au risque de constater en son sein une détérioration du climat de travail, une diminution de la productivité, une augmentation du taux d’absentéisme, un alourdissement des charges associées aux lésions professionnelles, une réduction de la rétention du personnel et autres impacts négatifs.
En ce sens, l’établissement ne peut se contenter d’agir en aval. C’est ce qu’a d’ailleurs précisé l’arbitre Francine Beaulieu alors qu’elle devait statuer sur l’opportunité du congédiement d’une chauffeuse d’autobus scolaire qui avait frappé et menacé un écolier présentant des troubles graves de comportement :
« [221] J’estime que la première responsabilité dans l’incident du 17 mai 2013 revient à l’Employeur qui aurait dû écouter ses conducteurs et plus particulièrement la plaignante lorsque ces derniers lui expliquaient les difficultés qu’ils avaient avec ce jeune garçon.
[…]
[227] […] Il y avait des mesures à prendre pour son bien-être à lui, celui des autres passagers et la sécurité de tout le monde ainsi véhiculé. Il a attendu qu’un tel évènement survienne avant d’intervenir. »2
Conséquemment, nous recommandons fortement à tout établissement de mettre en place, si ce n’est déjà fait, les mesures suivantes :
- Adopter une politique de gestion de l’incivilité, de l’intimidation, du harcèlement et de la violence ;
- Publier parallèlement un Code de vie énumérant concrètement les attentes de l’établissement à cet effet ;
- Afficher les politiques et codes de vie à la vue de tous, élèves, étudiants et parents inclus, et en remettre une copie à l’occasion des séances d’information de la rentrée et le publier sur le site internet de l’établissement ;
- Désigner une personne responsable en matière de prévention ;
- Mettre sur pied un comité de prévention ayant comme mandat d’émettre des recommandations aux gestionnaires de l’établissement ;
- Organiser la formation de ses employés sur une base périodique, notamment quant à l’utilisation des réseaux sociaux.
Malgré ces efforts, l’établissement doit demeurer vigilant et attentif afin de réagir promptement dès la naissance d’une situation potentiellement problématique. Le cas échéant, il importe de prendre la mesure des faits, de faire preuve de leadership et d’utiliser l’autorité nécessaire afin de protéger avec diligence l’employé visé. Par exemple, en s’interposant entre le parent et l’employé, l’établissement sert de paravent à ce dernier et peut agir à titre de médiateur. Non moins complexe, le comportement intempestif d’un élève ou d’un étudiant à l’encontre d’un employé exige de l’établissement une intervention mesurée qui peut, par exemple, nécessiter l’apport d’un éducateur spécialisé, d’un psychoéducateur ou de toute autre professionnel approprié. Le plus important demeure que l’employé soit écouté et épaulé par sa direction.
Dans certaines situations particulièrement préjudiciables, l’établissement doit même évaluer l’opportunité d’utiliser les recours judiciaires disponibles, comme l’injonction. Si celle-ci n’est pas respectée, il est possible de faire resserrer les ordonnances rendues ou, en dernier recours, d’opter pour l’outrage au tribunal. Évidemment, chaque cas est un cas d’espèce.
Devant la complexité de tels enjeux et eu égard aux nombreuses conséquences potentielles, Monette Barakett est fière d’offrir l’expertise de son équipe afin d’épauler les établissements scolaires dans leur rédaction de politiques et codes de vie, dans leur élaboration d’un plan de prévention et dans leur gestion des situations conflictuelles.