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Dans la décision récente Bourassa-Lacombe c. Centre universitaire de santé de l’Estrie1 (le « CUSE »), la Cour supérieure a condamné un établissement de santé à payer une somme de 9 500$ pour les dommages moraux subis par un usager qui a été gardé à l’hôpital contre son gré pendant 19 jours.

LES FAITS

Le recours a été intenté à l’encontre du CUSE, des médecins et de différents intervenants qui ont soigné l’usager durant son hospitalisation. Celui-ci réclamait initialement un montant de 8 888 000$, alléguant avoir été intoxiqué et avoir été victime de traitements cruels et inhumains, contre son gré et sans autorisation judiciaire. Il prétendait également avoir été brimé dans ses droits fondamentaux tels le droit à la liberté, le droit à l’information, le droit d’accepter ou de refuser des soins, le droit de donner son consentement libre et éclairé ainsi que le droit à l’honneur et à la dignité. Enfin, il soutenait que les médecins avaient prescrit des médicaments sans s’assurer de leurs effets sur lui et sans tenir compte de ses plaintes. Le 11 février 1995, l’usager a été évalué à l’urgence du CUSE où il avait été amené par les policiers. Il avait été agressif verbalement et physiquement envers sa colocataire. Le médecin de l’urgence a conclu à un délire religieux et un diagnostic possible d’épisode psychotique aigu. Il a demandé une consultation en psychiatrie. Les psychiatres ont conclu à un épisode psychotique avec élément de manie paranoïde.

À compter du 11 février 1995, l’usager a été hospitalisé à l’établissement et il y est demeuré jusqu’au 12 avril 1995. Du 11 février au 16 mars, il collaborait. Toutefois, le 17 mars 1995, il a signifié clairement aux médecins son refus de traitement. Les médecins ont donc conclu à la nécessité d’une garde en établissement pour l’usager en rai- son de sa dangerosité, pour lui-même et pour autrui. Par conséquent, un premier rapport psychiatrique a été rédigé le 17 mars et un second le 19 mars afin de permettre à l’établissement d’obtenir de la Cour une ordonnance de garde en établissement. À deux reprises, croyant que la requête avait été accordée, les médecins ont avisé l’usager qu’il était en « cure fermée ».

Or, la requête n’a été rédigée que le 24 mars par le directeur des services professionnels (le « DSP »). Ce n’est toutefois que le 19 avril que le jugement accordant la requête a été rendu. À cette date, l’usager n’était plus à l’établissement puisqu’il avait reçu son congé le 12 avril.

LA RESPONSABILITÉ DU CUSE ET DES MÉDECINS

Il ressort de la preuve que l’usager a manifesté clairement son refus de traitement et son refus de demeurer au CUSE le 17 mars 1995. Le juge Dumas écrit que l’obligation d’obtenir une ordonnance de garde en établissement repose sur les épaules de l’établissement et non sur celles des médecins. Il conclut que, dans les circonstances de cette affaire, le CUSE a fait preuve de négligence. En revanche, il écrit qu’aucun reproche ne peut être formulé à l’égard des médecins qui croyaient détenir l’autorisation requise et qui ont rempli leur obligation en procédant rapidement à l’évaluation de l’usager et à la rédaction des rapports.

De l’avis du tribunal, le délai pour l’obtention du jugement est inexplicable et inacceptable. L’usager a été gardé sans son consentement pour une durée de 19 jours. Il s’agit d’une atteinte illicite à une liberté fondamentale qui confère à l’usager le droit d’obtenir réparation pour le préjudice moral qu’il a subi.

L’ORDONNANCE DE GARDE EN ÉTABLISSEMENT

Cette décision rappelle l’importance de faire preuve de diligence dans l’administration des requêtes pour garde en établissement. Toute autorisation judiciaire obtenue doit être consignée au dossier médical de l’usager concerné. Les médecins doivent pouvoir accéder facilement et rapidement à cette information. De plus, une copie du jugement doit être remise à l’usager lequel devrait signer un accusé de réception.

Dans le processus d’admission en « cure fermée », l’établissement est responsable d’assurer le suivi adéquat et de transmettre l’information pertinente alors qu’il incombe aux médecins d’évaluer promptement l’usager qui doit être mis sous garde. Une fois l’évaluation rédigée par les médecins, il est essentiel que l’établissement complète les démarches légales rapidement. En effet, la loi prévoit que le délai légal pour garder un individu dans un établissement de santé sans son consentement, sans autorisation du tribunal et sans qu’un examen psychiatrique ait été effectué est de 72 heures maximum2. Par conséquent, les deux évaluations psychiatriques requises par la loi doivent être faites rapidement afin que le jugement ordonnant la garde en établissement soit obtenu, dans la mesure du possible, à l’intérieur de ce délai. Si tel n’est pas le cas, l’établissement et les médecins pourraient être tenus responsables des dommages subis par l’usager gardé contre son gré.