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Le 31 mai dernier marquait le premier anniversaire de la « nouvelle » Loi sur le tabac[ 1. L.R.Q., c. T-0.01] « la Loi » suite à l’entrée en vigueur de la Loi modifiant la Loi sur le tabac et d’autres dispositions législatives1 adoptée un an plus tôt. Ces modifications ont suscité l’attention du grand public de façon régulière tout au long de l’année et ont également fait couler beaucoup d’encre dans les médias. Quoique ce sont les impacts sur le plan socio-économique qui ont défrayé la manchette, les effets en milieu de travail, et conséquemment sur les employeurs, sont loin d’être négligeables.

Cette loi a en effet créé pour l’employeur l’obligation de contrôler non seulement l’usage des visiteurs, usagers ou clients, mais également de s’assurer du respect de la Loi par les salariés et les dirigeants. Plus encore, le législateur a créé une présomption opérant un renversement du fardeau de la preuve lorsqu’il est prouvé qu’une personne a fumé entre ses murs.

L’article 11 de la Loi prévoit effectivement que :
« 11. L’exploitant d’un lieu ou d’un commerce visé au présent chapitre ne doit pas tolérer qu’une personne fume dans un endroit où il est interdit de le faire.

Dans une poursuite intentée pour une contravention au premier alinéa, il y a présomption que l’exploitant du lieu ou du commerce a toléré qu’une personne fume dans un endroit où il est interdit de le faire s’il est prouvé qu’une personne a fumé dans cet endroit. Il incombe alors à l’exploitant de prouver qu’il n’a pas toléré qu’une personne fume dans un endroit où il est interdit de le faire. »

Un examen de la jurisprudence récente a permis de constater que la Cour du Québec (Chambre criminelle et pénale) s’est penchée à une occasion sur la question et est venue rappeler que les obligations prévues dans la Loi sont bien réelles. L’employeur doit en effet jouer un rôle proactif et ne pas se limiter à appliquer les règles de façon erratique.

Dans Québec (procureur général) c. Hôpital général juif de Montréal (Sir Mortimer B. Davis)2, la question se posait ainsi : « L’Hôpital général juif Sir Mortimer B. Davis a-t-il fait preuve de diligence raisonnable pour ne pas commettre l’infraction qui lui est reprochée? » Suite à la visite d’un inspecteur chargé d’appliquer la Loi sur le tabac, un constat d’infraction avait été émis au salarié pris sur le fait ainsi qu’à l’employeur pour avoir contrevenu aux dispositions de la Loi. L’inspecteur concluait que ce dernier avait toléré que l’on fume à l’intérieur de l’établissement puisqu’en plus d’un salarié pris en flagrant délit, une odeur de tabac y régnait et des mégots de cigarette ont été retrouvés sur le sol du garage des ambulances ainsi que dans un verre faisant office de cendrier.

Rappelant tout d’abord qu’il s’agit d’une infraction de responsabilité stricte et que l’employeur devait établir qu’il a pris toutes les précautions pour ne pas commettre cette infraction, la juge de paix magistrat procède à l’examen des moyens pris par l’employeur pour enrayer l’usage du tabac dans l’établissement. Analysant les différents éléments de preuve à la lumière des critères élaborés dans un contexte de vente de tabac aux mineurs, la juge de paix magistrat conclut que :

« La mise en place “d’un système d’application, de contrôle et de supervision des directives et des employés” semble très déficiente. »

En l’espèce, l’employeur savait que le garage des ambulances était le fumoir de certains employés et aucune mesure n’avait été prise pour faire cesser cette pratique. De même, la juge de paix magistrat souligne que le salarié ayant reçu le constat d’infraction ne subit aucune réprimande de la part de l’employeur, ce dernier ayant jugé que l’amende suffisait.

L’employeur invoquait en défense que la très grande superficie des lieux, combinée avec des ressources humaines limitées, ne lui permettait pas d’assurer une surveillance constante. Loin de la considérer comme une excuse légitime, le tribunal y voit plutôt une indication que la situation a été tolérée par l’employeur. D’abondant, une politique relative à l’usage du tabac adoptée en 1987 et demeurée inchangée depuis a également été considérée comme un facteur incriminant pour l’employeur.

Indiquant qu’un employeur « ne doit pas se limiter à donner des directives à ses employés, mais doit s’assurer qu’elles sont suivies », la défense de diligence raisonnable est rejetée et l’amende de 400 $ est confirmée.

Malgré la relative clémence de la sanction, cette décision indique que l’employeur devra demeurer très vigilant et prendre les moyens nécessaires pour s’assurer que les règles édictées dans le cadre de la Loi sur le tabac soient respectées intégralement par toutes les personnes sous son toit… ou dans les quelques mètres de celui-ci. Pour un employeur, l’amende pour une première offense est de 400 $ à 4 000 $ alors qu’elle peut atteindre 10 000 $ en cas de récidive.

Bref, pour que cette épée de Damoclès se dissipe en fumée, une politique sur le tabac actualisée, une surveillance stricte et rigoureuse, de même que l’application de sanctions en cas de contravention au règlement sont plus que jamais essentielles à l’intérieur de toute organisation.