Dans une décision récente, le Tribunal des droits de la personne a eu à se prononcer sur le droit d’une éducatrice dans une garderie d’obtenir des congés lors du Nouvel An Juif. 1
Dans cette affaire, le Tribunal était saisi d’une demande faite par la Commission des droits de la personne (ci-après « la Commission »), agissant au nom de la plaignante, une éducatrice. La Commission allègue que les défenderesses, la Garderie éducative le futur de l’enfant Inc. et la propriétaire (ci-après désignées collectivement la « Garderie »), ont porté atteinte aux droits de la plaignante. Celle-ci allègue son droit d’être traitée en toute égalité, sans distinction, exclusion ou préférence fondée sur la religion. La Commission reproche à la Garderie d’avoir fait défaut de respecter son obligation d’accommodement raisonnable, soit de prendre les moyens pour octroyer à la plaignante deux journées de congé non rémunérées lors du Nouvel An Juif et en la congédiant en raison de son absence lors de ce congé, contrevenant ainsi aux dispositions pertinentes de la Charte des droits et libertés de la personne. 2
La Garderie allègue qu’elle a fait tous les efforts raisonnables pour accommoder la plaignante afin qu’elle puisse pratiquer sa religion et qu’au surplus, elle n’a jamais mis fin à l’emploi de cette dernière. Elle considère que c’est plutôt la plaignante qui a décidé de son propre gré de quitter son emploi en donnant un préavis de deux (2) semaines.
Le Tribunal conclut qu’il y a une preuve prima facie de discrimination malgré le fait qu’il soit en présence d’une norme en apparence neutre concernant la présence au travail, laquelle s’applique de façon DROIT DU TRAVAIL Une pratique de rigueur depuis 1912 égale à tous les employés. En effet, compte tenu des croyances et des pratiques religieuses de la plaignante, cette norme a eu pour effet de compromettre son droit de ne pas subir de discrimination dans le cadre de son emploi.
La plaignante a démontré au Tribunal sa croyance sincère à la religion juive et expliqué comment les préceptes de cette dernière lui interdisent de travailler pendant les deux premiers jours de la fête du Rosh Hashanah. Il appartenait donc à la Garderie de démontrer que la norme était justifiée par les objectifs qu’elle poursuit dans le cadre de l’emploi et qu’elle a considéré les accommodements raisonnables pouvant être offerts à la plaignante sans que cela ne lui cause une contrainte excessive.
La preuve démontre que la Garderie n’a envisagé sérieusement qu’une seule possibilité pour accommoder la plaignante, soit de trouver une remplaçante pour le vendredi.
La Garderie n’a, par contre, pu démontrer que l’absence de la plaignante pendant une journée, le vendredi, présentait une contrainte excessive, notamment un risque grave pour la sécurité des enfants. Elle n’a de plus envisagé aucune autre mesure d’accommodement telle que modifier les horaires de travail ou la répartition des groupes d’enfants. Elle n’a pas davantage expliqué les raisons pour lesquelles ces mesures n’avaient pas été envisagées, par exemple l’engagement de frais excessifs par rapport à son budget.
Même si la recherche d’un compromis doit impliquer la plaignante, cela ne signifie pas pour autant qu’elle soit tenue d’accepter toutes les propositions d’accommodement de son employeur. Ce dernier doit démontrer qu’il a fait des efforts significatifs, sérieux et sincères. Il doit veiller à ce que la solution d’accommodement n’entraîne ni perte de salaire, ni perte de congé, ni inconvénient exagéré pour l’employé visé.
Dans le présent cas, le Tribunal conclut que la Garderie a failli à ses obligations et a porté atteinte au droit de la plaignante d’être traitée en toute égalité dans son emploi.
Relativement aux prétentions quant à la fin d’emploi, le Tribunal conclut qu’il n’y a pas eu de congédiement ou même de congédiement déguisé, étant d’avis que la plaignante a plutôt démissionné. Par conséquent la réclamation pour perte de salaire est rejetée. Relativement aux dommages moraux, la Tribunal accorde un montant de 2 000 $ à la plaignante.
Cette décision rendue dans le secteur des garderies est à notre avis à retenir et pourrait trouver application dans d’autres milieux de travail au Québec. Pour les employeurs, il est fondamental de s’assurer que toutes les pistes de solutions raisonnables, qui n’amènent pas pour l’organisation une contrainte excessive, soient explorées avant de refuser une demande d’accommodement.