Il est maintenant établi en jurisprudence que l’obligation d’accommodement d’un employeur à l’égard d’un salarié n’étant plus en mesure d’occuper son emploi pour des raisons de santé va jusqu’à offrir à ce dernier un poste en dehors de son unité de négociation d’origine, sous réserve d’une entente avec le syndicat. Toutefois, comment doit être rémunéré ce salarié, bien souvent muté dans un poste dans lequel il n’a aucune expérience ? Quelle est l’échelle salariale applicable ? Une récente décision rendue par l’arbitre Me André Rousseau, Syndicat des employé(e)s du CSSS du Lac-des-Deux-Montagnes et CSSS du Lac-des-Deux-Montagnes, décision non publiée du 11 septembre 2014, répond à cette question pouvant avoir des impacts majeurs dans le monde des rapports collectifs de travail.
Dans cette affaire, une salariée, en raison de limitations fonctionnelles permanentes, n’était plus en mesure d’occuper un poste de préposée aux bénéficiaires (poste de catégorie 2 selon la Nomenclature des titres d’emploi, des libellés, des taux et des échelles de salaire du réseau de la santé et des services sociaux). Afin de l’accommoder, l’employeur et le syndicat ont conclu une entente par laquelle un poste d’agente administrative, classe 4, poste de catégorie 3 couvert par une autre unité d’accréditation, lui était octroyé. L’entente prévoyait le maintien de l’ancienneté, mais était muette quant à la rémunération applicable. L’employeur a donc déterminé l’échelle salariale de la salariée en fonction de son expérience dans son nouvel emploi. Considérant qu’elle n’avait aucune expérience comme agente administrative, classe 4, celle-ci correspondait au premier échelon. Le syndicat prétendait plutôt que la salariée avait subi une rétrogradation et que, conformément à la convention collective, on devait lui attribuer l’échelon maximal, correspondant à ses nombreuses années de service dans l’établissement.
Dans sa décision, l’arbitre rejette le grief. Il rappelle d’abord qu’une personne salariée progresse dans l’échelle salariale selon son expérience, et non pas selon son ancienneté. L’arbitre réitère que ce sont deux notions distinctes, comme l’ont établi plusieurs arbitres dans le passé.
Il soulève aussi que la notion de rétrogradation, définie dans la convention collective comme « (…)la mutation d’une personne salariée d’un poste à un autre, comportant une échelle de salaire dont le maximum est moins élevé », ne trouve pas application, tel qu’argumenté par l’employeur. La notion de poste se référant à un poste couvert par l’accréditation, on ne peut considérer que la salariée a été rétrogradée, ayant été mutée dans un poste dans une autre unité de négociation. De plus, l’expression « personne salariée » vise une personne « comprise dans l’unité de négociation », selon la convention collective. Ce faisant, l’arbitre conclut que la notion de rétrogradation doit nécessairement s’inscrire dans le cadre de la même unité de négociation. Ainsi, ni l’entente particulière, ni la convention collective ne permet de reconnaître à la salariée le droit à un échelon ne correspondant pas à son expérience dans un poste similaire à celui dans lequel elle a été mutée, même si cela implique une diminution de salaire.
Cette décision applique rigoureusement le principe selon lequel à moins d’une entente spécifique, un arbitre de grief ne peut modifier ou ajouter à la convention collective, et ce, malgré la notion d’accommodement raisonnable. La barrière étanche entre les unités de négociation existe et il faut en tenir compte, même lorsqu’il s’agit du même syndicat en présence, représenté par le même exécutif.