« À L’OCCASION DU TRAVAIL » : UNE NOTION PARFOIS TRÈS LARGE
Revenu Québec et Carrier, CLP 410253-61-1005, 17 novembre 2010, décision de Martine Montplaisir, 2010 QCCLP 8462.

Le travailleur, un technicien en vérification fiscale, a fait une chute pendant sa pause. Il marchait alors sur une piste cyclable adjacente au terrain de stationnement des employés. Il a subi une entorse cervicale.

De façon générale, afin qu’un événement soit reconnu comme survenant à l’occasion du travail, il importe qu’un élément rattaché au travail soit venu transformer le risque personnel en risque professionnel.

La Commission des lésions professionnelles («CLP») indique que l’activité de marcher pendant une pause peut, selon le cas, être jugée utile à l’employeur et donc connexe au travail. La CLP conclut que la connexité avec le travail est démontrée en l’espèce puisque la pause vise à permettre au travailleur d’aérer son cerveau, de se délier les jambes et de revenir plus en forme pour exercer son travail qui requiert une importante concentration.

En effet, la CLP mentionne que la piste cyclable est à deux ou trois minutes de marche du terrain appartenant à l’employeur et que beaucoup de collègues et de gestionnaires l’utilisent au su et au vu de l’employeur. Il n’y a aucune directive émise par ce dernier pour empêcher cette pratique durant les pauses.

La CLP est également d’avis que l’absence d’utilisation par le travailleur de l’une des salles mises à la disposition des employés par l’employeur n’est pas pertinente. Comme la marche l’aide à se concentrer et à donner une bonne prestation de travail, l’employeur en tire avantage.

Par conséquent, la CLP déclare que le travailleur a subi un accident du travail.

LES CONSÉQUENCES D’UN «OUBLI» DE SE PRÉSENTER À UNE EXPERTISE
Lévesque et Transport Le Relais, CLP 375194-62C-0904, 3 novembre 2010, décision de Richard Hudon, 2010 QCCLP 8013.

La travailleuse exerce un emploi de chauffeur d’autobus. Elle subit un accident du travail lui causant une entorse lombaire. La Commission de la santé et de la sécurité du travail («CSST») décide de la faire examiner par un médecin. Par conséquent, elle transmet à la travailleuse un avis de convocation par écrit en plus d’y joindre un plan lui indiquant comment se rendre chez le médecin.

À la date prévue pour l’expertise, la CSST apprend cependant que la travailleuse ne s’est pas présentée. Lors d’une communication téléphonique, celle-ci indique à la CSST qu’elle s’est méprise quant à la date du rendez-vous. La CSST suspend l’indemnité de remplacement du revenu de la travailleuse.

La travailleuse soumet à la CLP qu’elle avait un motif valable pour ne pas s’être présentée à cet examen et qu’elle avait droit de recevoir l’indemnité de remplacement du revenu.

La CLP note que la CSST avait le pouvoir de demander à un médecin d’examiner la travailleuse. Celleci avait pour sa part l’obligation de se soumettre à l’examen. Il a été démontré que la travailleuse avait été dûment convoquée à cet examen. Or, celle-ci ayant fait erreur quant à la date de l’examen, elle a omis de se soumettre à l’évaluation.

Selon la CLP, il ne s’agit pas d’une raison valable au sens de la jurisprudence puisque le motif soulevé n’est attribuable qu’à la travailleuse. La CSST était justifiée de suspendre le versement de ses prestations. Une telle décision relève du pouvoir discrétionnaire de la CSST qui peut néanmoins prendre en considération la bonne foi d’un travailleur.

La CLP rejette la requête de la travailleuse et confirme que la CSST était justifiée de suspendre l’indemnité de remplacement du revenu de la travailleuse.

LA CONSOLIDATION «PRÉVISIBLE » ET L’AVIS DU BUREAU D’ÉVALUATION MÉDICALE
Commission scolaire des phares et Proulx, CLP 413197-01A-1006, 21 octobre 2010, décision de Michèle Carignan, 2010 QCCLP 7680.

La travailleuse subit un accident du travail pour lequel une entorse lombaire est diagnostiquée. Elle est examinée par le médecin de l’employeur qui conclut notamment que la lésion devrait être stabilisée dans un mois compte tenu de la stabilité de la condition de la travailleuse et que les traitements additionnels sont requis pour dix jours. Le médecin de la travailleuse estime pour sa part que la lésion de la travailleuse n’est pas consolidée et qu’elle ne le sera pas avant soixante jours.

L’employeur demande à la CSST de soumettre ce dossier au Bureau d’évaluation médicale («BEM»). La CSST s’exécute et précise que l’employeur conteste les traitements. L’employeur requiert de la CSST qu’elle transmette au BEM sa contestation quant à la date de consolidation. La CSST refuse au motif que le rapport d’expertise du médecin de l’employeur n’infirme pas celui du médecin traitant en regard de la date de consolidation, elle estime qu’une date de consolidation émise pour le futur signifie que la lésion n’est pas consolidée au moment de l’examen.

L’employeur conteste devant la CLP la décision de la CSST qui a refusé d’acheminer sa contestation au BEM quant à la date de consolidation de la lésion professionnelle subie par la travailleuse.

Bien que la CLP conçoive qu’un médecin puisse indiquer une date de consolidation prévisible, elle mentionne que cela ne permet cependant pas de conclure que la lésion sera consolidée à la fin de cette période. Elle estime qu’au terme de ce délai, le médecin devrait revoir la travailleuse afin de confirmer la date de consolidation émise.

Par ailleurs, dans cette affaire, la lésion n’était pas consolidée à la date de l’examen par le médecin de l’employeur puisque celui-ci a prescrit d’autres traitements et a reconnu que la condition de la travailleuse pouvait changer.

Pour ces raisons, la CLP conclut que la décision de la CSST était bien fondée et maintient le refus d’acheminer la demande de l’employeur quant à la date de consolidation.

LA CONSOLIDATION ET LES EXAMENS SUPERPOSABLES
Restaurants Sylvain Vincent inc. (Restaurant McDonald’s) et Chartrand, CLP 398591-64-0912, 20 septembre 2010, une décision de Thérèse Demers, 2010 QCCLP 6955.

La CLP doit déterminer la date de consolidation, soit le moment où aucune amélioration de l’état de santé du travailleur n’est prévisible. Il ne convient pas de retarder la consolidation dans l’attente d’une complète guérison ou à l’arrêt des traitements et des médicaments prescrits, puisque ceux-ci sont toujours prodigués dans un but d’amélioration de la lésion. Il s’agit d’une question d’ordre médical devant être tranchée en fonction de la preuve médicale.

Dans cette affaire, la travailleuse subit un accident du travail. Les diagnostics de contusion au coude droit, de tendinite et de bursite à l’épaule droite sont posés. Après un long suivi médical et de nombreux traitements, l’employeur demande à un chirurgien orthopédiste d’examiner la travailleuse. Les examens musculosquelettique et neurologique sont entièrement normaux. Le médecin conclut que les douleurs rapportées ne pouvaient pas être reliées à la lésion professionnelle. Il consolide la lésion au jour de son examen, avec suffisance de soins et de traitements, sans atteinte permanente à l’intégrité physique ni limitation fonctionnelle.

La travailleuse est examinée par un membre du BEM plus de deux mois après cet examen. Elle rapporte alors que son état demeure inchangé et que les traitements n’ont eu aucun effet au cours de cette période. Aucun signe objectif d’une pathologie active n’est retrouvé. Le membre du BEM consolide la lésion professionnelle au jour de son examen, avec suffisance de soins et de traitements, sans aucune atteinte permanente à l’intégrité physique ni limitation fonctionnelle.

Les examens des deux médecins concordent. Aucune justification n’est donnée afin d’expliquer pourquoi la date de consolidation déterminée par le médecin de l’employeur n’a pas été retenue. Considérant l’absence d’élément objectif justifiant de ne pas consolider la lésion à la date retenue par le médecin désigné, la CLP déclare que la lésion professionnelle est consolidée à cette date.

LES EFFETS D’UNE DEMANDE DE REMISE TARDIVE
Mailloux et Transport Morneau inc., CLP 398392-01A-0912, 398401-01A-0912, 30 septembre 2010, une décision de Martin Racine, 2010 QCCLP 7084.

Le représentant du travailleur télécopie une demande de remise au juge administratif et ce, quelques minutes seulement avant le début de l’audience fixée le 17 septembre 2010. Il soutient n’avoir reçu le mandat de représenter le travailleur que la veille, à 17h00. Le travailleur prétend de plus avoir eu un différend avec sa représentante, ce qui justifiait, selon lui, le recours à un autre procureur.

Or, la preuve démontre que le travailleur n’a pas été diligent, car il savait depuis le 18 mars 2010 que l’audience aurait lieu à cette date. De plus, le travailleur savait depuis au moins une semaine qu’il devait se trouver un nouveau représentant.

Le Règlement sur la preuve et la procédure de la Commission des lésions professionnelles1 prévoit qu’une demande de remise doit être faite dès qu’une partie a connaissance des motifs la justifiant et que ceux-ci doivent être sérieux. Les nouvelles orientations générales concernant les demandes de remises, entrées en vigueur en avril 2010, prévoient notamment qu’en l’absence d’une décision accordant la remise, les parties doivent se présenter à la date et l’heure fixées pour procéder.

La demande de remise est donc rejetée. La CLP décide donc, conformément à la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles2 de procéder en l’absence du travailleur et de rendre une décision quant à l’admissibilité de sa lésion professionnelle, un sujet qui doit être tranché en priorité.

FINANCEMENT EN BREF

DÉSIMPUTER… OU NE PAS DÉSIMPUTER LÀ EST TOUTE LA QUESTION!

Expliquons d’abord sommairement le mécanisme des cotisations. En bref, le taux de cotisation établi en 2011 est basé sur le dossier « d’expérience d’employeur », soit le total des réclamations et des coûts de chaque dossier de lésion professionnelle de l’employeur pour les années 2006-2007-2008 et 2009.

Un calcul comptable fait en sorte que chaque dollar versé à un travailleur est multiplié par des « facteurs de chargement » qui sont établis par les actuaires de la CSST et sur lesquels vous n’avez aucun contrôle. La seule chose qu’un employeur peut faire pour réduire ses coûts est essentiellement de bien gérer ses cas de lésions professionnelles par les mécanismes que nous connaissons, soit la prévention, l’assignation temporaire, l’évaluation médicale et la contestation si nécessaire.

Il arrive que des situations de « désimputation » de coûts se présentent dans la vie d’un dossier de la CSST, soit qu’une admissibilité d’une lésion professionnelle est révisée et refusée; qu’un avis du BEM établisse une date de consolidation à une date antérieure à son examen; qu’un accord entériné par la CLP modifie des aspects financiers du dossier ou encore, qu’un partage d’imputation soit accordé à l’employeur.

Toutes ces éventualités peuvent affecter positivement les coûts d’un dossier. Toutefois, ces efforts sont vains si les crédits ne sont pas appliqués par la CSST. Nous constatons trop souvent cette situation.

Nous avons constaté dernièrement plusieurs erreurs ou oublis de la CSST. De même, occasionnellement, la CSST prend la liberté d’« interpréter » une décision de la CLP, ce qui a pour effet de pénaliser l’employeur. Nous ne saurions mettre suffisamment d’accent sur la nécessité de bien vérifier les coûts imputés dans votre dossier d’employeur.

Les meilleurs outils sont le « commerce électronique » de la CSST ou encore le « sommaire des coûts imputés » communément appelé « les feuilles bleues ». Vous pourrez donc suivre l’état des dossiers pour lesquels des crédits doivent être appliqués et exiger que la CSST procède aux correctifs qui s’imposent si elle tarde à le faire.

Si vous n’avez pas accès au commerce électronique de la CSST, nous vous invitons à vous y inscrire, c’est gratuit et simple à utiliser. Nous pouvons vous assister dans l’apprentissage de cet outil indispensable.

Si, dans votre établissement, deux personnes sont en charge de la gestion des dossiers et du financement, nous vous suggérons de vous assurer que ces personnes collaborent afin que les informations concernant les crédits soient connues et appliquées.

En bref, ne présumez jamais qu’une décision rendue en votre faveur ou un avis du BEM confirmant les conclusions de votre médecin, sera correctement et entièrement appliqué par la CSST.

La présente chronique ne constitue pas un avis juridique et a été rédigée uniquement afin d’informer les lecteurs. Ces derniers ne devraient pas agir ou s’abstenir d’agir en fonction uniquement de cette chronique. Il est recommandé de consulter à cette fin leur conseiller juridique. © Monette Barakett SENC. Tous droits réservés. La reproduction intégrale et la distribution de cette chronique sont autorisées à la seule condition que la source y soit indiquée.