Le 27 octobre 2020, le ministre du Travail, de l’Emploi et de la Solidarité sociale, Monsieur Jean Boulet, présentait le projet de loi n° 59 (ci-après, « PL59 »), Loi modernisant le régime de santé et de sécurité du travail[1]. Le PL59 propose de moderniser le régime de santé et de sécurité du travail, notamment par la modification et l’ajout de nombreuses dispositions en matière de prévention et réparation des lésions professionnelles.

Chaque semaine, Monette Barakett vous présente une revue d’un aspect du PL59. Dans la présente chronique, nous vous proposons une analyse des différentes modifications législatives apportées en regard de l’admissibilité des lésions professionnelles et, plus particulièrement, des maladies professionnelles.

Admissibilité des maladies professionnelles et édiction du Règlement

Le PL59 propose de faciliter l’accès au régime d’indemnisation en cas de maladies professionnelles par l’édiction d’un nouveau Règlement sur les maladies professionnelles.

Afin que la réglementation évolue en cohérence avec les connaissances scientifiques, le PL59 prévoit la création du Comité scientifique sur les maladies professionnelles et du Comité des maladies professionnelles oncologiques.

Le PL59 abroge l’Annexe I de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[2] (ci-après « LATMP ») et propose l’édiction du Règlement sur les maladies professionnelles (ci-après « Règlement »). Ce règlement a notamment pour effet de déterminer la liste des maladies admissibles à l’application de la présomption de maladie professionnelle. Le nouveau Règlement offre la possibilité au législateur de réaliser une mise à jour continue de la liste des maladies professionnelles, laquelle n’a pas été révisée depuis 1985.

À cet égard, le législateur facilite la preuve de la démonstration d’une lésion professionnelle en édictant des présomptions. Rappelons qu’actuellement, pour bénéficier de la présomption d’une maladie professionnelle, l’article 29 LATMP prévoit que le travailleur doit démontrer que :

  • La maladie doit se trouver à l’Annexe I de la loi actuelle;
  • L’employé doit exercer le travail correspondant à la maladie prévue à l’Annexe I de la loi actuelle.

Le Règlement remplacera dorénavant l’Annexe I de la loi actuelle aux fins de l’admissibilité des maladies à la présomption de l’article 29 LATMP.

Parmi les changements importants à prévoir suivant l’entrée en vigueur du nouveau règlement, le législateur propose l’ajout de nouvelles maladies qui seront maintenant admissibles à la présomption de maladie professionnelle, notamment :

  • Neuf nouveaux cancers professionnels liés à l’exercice du travail de pompier, dont plusieurs nécessitent la preuve d’une durée d’emploi minimale de 15 à 20 années (Annexe A – Section VIII) ;
  • Le stress post-traumatique[3] (Annexe A – Section VII).
  • Les maladies causées par l’intoxication au plomb et à ses composés organiques ou inorganiques[4] (Annexe A – Section I).

 

Le PL59 présente en outre des précisions quant aux conditions particulières liées au travail impliquant un niveau de bruit quotidien. Notamment, un seuil minimal de bruit quotidien de plus de 85 dB(A) pendant 8 heures par jour ou l’équivalent de deux ans ou à un niveau de pression acoustique de crête supérieur aux limites permises au Règlement sur la santé et la sécurité du travail[5]. Le travailleur devra également faire la démonstration d’une perte auditive neurosensorielle de plus de 22,5 décibels[6].

Quant aux maladies déjà admissibles à la présomption de l’article 29 LATMP, le Règlement annonce une réorganisation de leur classification. Plusieurs nouvelles sections sont ajoutées, incluant les maladies de peau, les maladies oncologiques, les maladies de l’appareil respiratoire, les maladies causées par des agents biologiques et maladies infectieuses ou parasitaires, ainsi qu’une section propre aux maladies liées aux troubles musculosquelettiques, incluant un amendement des conditions particulières qui y sont liées[7].

Le Comité scientifique sur les maladies professionnelles et le Comité des maladies professionnelles oncologiques

D’une part, la Commission pourra dorénavant former des Comités des maladies professionnelles oncologiques lorsqu’un travailleur produit une réclamation alléguant une maladie professionnelle oncologique et que la présomption de l’article 29 LATMP ne trouve pas application[8].

Les membres du comité seront chargés d’examiner le travailleur dans les 40 jours de la demande de la Commission, puis de remettre un rapport écrit à la Commission dans les 20 jours de l’examen.

Ce rapport comprendra l’état du diagnostic, l’existence de limitation fonctionnelle ou d’une atteinte à l’intégrité physique et devra également contenir l’avis du comité quant à l’existence d’un lien entre la maladie professionnelle et les caractéristiques ou risques particuliers du travail exercé par le travailleur. La Commission sera en outre liée par le diagnostic établi par le comité.

Enfin, le PL59 institue le Comité scientifique sur les maladies professionnelles[9], lequel sera chargé de formuler des recommandations au ministre ou à la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail, en matière de maladies professionnelles. Il devra notamment recenser et analyser les recherches et études en matière de maladies professionnelles, analyser les relations causales entre les maladies et les risques, de même que produire des avis sur l’identification des maladies professionnelles.

Délai pour déposer une réclamation

Quant au délai pour présenter une réclamation pour maladie professionnelle, le PL59 reprend essentiellement les principes de l’article 272 LATMP, à l’effet que la réclamation doit être adressée à la Commission sur le formulaire qu’elle prescrit et qu’il doit y être indiqué le nom et l’adresse du travailleur ainsi que l’adresse de chaque employeur pour lequel le travailleur a exercé un travail de nature à engendrer sa maladie professionnelle.

Le PL 59 apporte des précisions sur le délai à respecter pour présenter une réclamation pour maladie professionnelle :

  • Le travailleur qui reçoit un diagnostic correspondant à l’une des maladies figurant au nouveau Règlement sur les maladies professionnelles, doit produire sa réclamation dans les 6 mois de la date du diagnostic.
  • Le bénéficiaire d’un travailleur décédé en raison d’une maladie professionnelle doit déposer une réclamation dans les 6 mois :
    • Du décès, si la maladie était diagnostiquée;
    • De la réception du diagnostic, si la maladie n’était pas diagnostiquée au moment du décès.

Le PL59 propose également l’ajout d’un délai de 6 mois pour des réclamations qui seraient rendues possibles par la modification et l’ajout de nouvelles maladies ou de nouvelles conditions particulières au Règlement.

Si le travailleur n’a jamais reçu de diagnostic pour sa maladie professionnelle ou que son bénéficiaire ignore que son décès résulte d’une telle maladie, ces derniers peuvent déposer une réclamation dans un délai de 6 mois de la connaissance d’une telle maladie.

La présentation du PL59 permet de mettre à jour le régime de santé et sécurité du travail qui n’a connu que peu de changement législatif depuis 35 ans. À la suite du dépôt du projet de loi, le leader de l’opposition officielle a demandé que des consultations particulières élargies soient réalisées, considérant que le PL59 affecte l’ensemble du régime de santé et sécurité au Québec, tant pour les employeurs que les travailleurs.

Monette Barakett s’engage à vous tenir informés du cheminement de ce projet de loi.

 

Ce texte a été préparé par l’équipe de droit de la santé et sécurité du travail – gestion de la présence au travail de Monette Barakett, avec la collaboration de Gabriel Moreau-Paquette et Maude Sirois, stagiaires en droit, sous la direction de Me Guy-François Lamy. 

 

Notes et références:

[1] Loi modernisant le régime de santé et de sécurité du travail, projet de loi no 59, 1e sess., 42e légis. (QC) (ci-après « PL59 »).

[2] RLRQ, chapitre A-3.001.

[3] Article 238 du PL59 : Annexe A, Section VII: « Avoir exercé un travail impliquant une exposition de manière répétée ou extrême à une blessure grave, à de la violence sexuelle, à une menace de mort ou à la mort effective, laquelle n’est pas occasionnée par des causes naturelles ».

[4] Id., Annexe A, Section I : « Avoir exercé un travail impliquant l’utilisation ou la manipulation du plomb ou une autre forme d’exposition au plomb ou à ses composés et avoir une plombémie dont la valeur est égale ou supérieure à 700 μg/L ».

[5] Articles 134 et 135 du Règlement sur la santé et la sécurité du travail, RLRQ, S-2.1, r. 13.

[6] Id., articles 4 et 5.

[7] Article 238 du PL59 : Annexe A, Section VI : « Les répétitions de mouvements ou de pressions doivent être maintenues sur une période minimale de de deux mois consécutifs et si la force n’est pas sollicitée, au moins 50% du temps travaillé doit consister à répéter ce même mouvement, sous réserve du troisième alinéa ».

[8] À ce sujet, voir l’article 73 du PL59 lequel prévoit l’ajout des articles 233.1 à 233.8 LATMP.

[9] À ce sujet, voir l’article 101 du PL59 lequel prévoit l’ajout des articles 348.1 à 348.9 LATMP.

La présente chronique ne constitue pas un avis juridique et a été rédigée uniquement afin d’informer les lecteurs. Ces derniers ne devraient pas agir ou s’abstenir d’agir en fonction uniquement de cette chronique. Il est recommandé de consulter à cette fin leur conseiller juridique. © Monette Barakett SENC. Tous droits réservés. La reproduction intégrale et la distribution de cette chronique sont autorisées à la seule condition que la source y soit indiquée.