We are sorry that this content is not available in English. Please do not hesitate to contact us.

L’autrice tient à remercier Nicolas Ducharme pour son apport à la rédaction de cette chronique.

 

Le 21 mars 2024, les députés de l’Assemblée nationale ont adopté le projet de loi no 42, intitulé Loi visant à prévenir et à combattre le harcèlement psychologique et la violence à caractère sexuel en milieu de travail (ci-après « la Loi »).

 

Objectifs de la loi

 Comme son nom l’indique, la Loi a pour objet de prévenir et de combattre le harcèlement psychologique et la violence à caractère sexuel. Pour ce faire, elle prévoit diverses modifications aux lois du travail visant la protection des travailleurs.

Face aux multiples mesures prévues dans la Loi, il y a lieu d’analyser les conséquences pratiques dans les milieux de travail. Dans les prochaines lignes, nous aborderons les principaux éléments qui pourraient avoir un impact dans votre organisation.

 

Loi sur la santé et la sécurité au travail

 Un élément central de la Loi est sans doute l’ajout d’une définition de la violence à caractère sexuel, qu’il y a lieu de reproduire ici :

« toute forme de violence visant la sexualité ou toute autre inconduite se manifestant notamment par des gestes, des pratiques, des paroles, des comportements ou des attitudes à connotation sexuelle non désirés, qu’elles se produisent à une seule occasion ou de manière répétée, ce qui inclut la violence relative à la diversité sexuelle et de genre »[1]

Les tribunaux devront donc se référer à cette définition lorsqu’ils auront à trancher des questions relatives à la violence à caractère sexuel. D’ailleurs, notons que cette définition se retrouve également dans la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (« LATMP ») ainsi que dans la Loi sur les normes du travail (« LNT »).

De plus, La Loi donne de nouveaux pouvoirs règlementaires à la CNESST qui pourra désormais imposer aux employeurs des mesures pour prévenir ou faire cesser une situation de violence à caractère sexuel[2].

 

Code du travail

 La Loi modifie le Code du travail pour prévoir que les arbitres qui seront appelés à trancher un grief relatif à une conduite de harcèlement psychologique devront avoir suivi une formation sur la violence à caractère sexuel. C’est au ministre du Travail qu’incombe la responsabilité d’établir les conditions de cette formation[3].

Il est à noter que les plaintes de harcèlement psychologique déférées à un arbitre avant le 27 mars 2024 ne sont pas assujetties à cette exigence[4].

 

Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles

 Afin de faciliter la preuve permettant la reconnaissance d’une lésion professionnelle résultant de la violence à caractère sexuel, la Loi prévoit deux nouvelles présomptions.

D’abord, une blessure ou une maladie est désormais présumée être survenue par le fait ou à l’occasion du travail lorsqu’elle résulte de violence à caractère sexuel subie par le travailleur et commise par son employeur, l’un des dirigeants ou l’un des travailleurs dont les services sont utilisés par cet employeur aux fins d’un même établissement[5]. À noter que la présomption prévue à ce nouvel article 28.0.1 de la LATMP n’inclut pas pareille violence si elle survient dans un contexte strictement privé.

Aussi, la maladie d’un travailleur qui survient dans les trois mois après que ce dernier ait subi de la violence à caractère sexuel sur les lieux du travail est présumée être une lésion professionnelle. Ici, on met véritablement l’accent sur le lieu où la violence est survenue, et non sur l’identité du présumé harceleur. C’est donc dire concrètement que la violence à caractère sexuel exercée par un tiers est incluse dans cette présomption. Pensons, par exemple, aux actes que pourraient commettre des usagers, des clients, etc.

Ces présomptions entreront en vigueur le 28 septembre 2024.

Ensuite, la Loi clarifie certaines dispositions de la LATMP en confirmant que l’employeur n’a aucun droit d’accès au dossier médical que la CNESST possède au sujet de la lésion professionnelle subie par un travailleur. Seul le professionnel de la santé désigné par l’employeur y a accès. Cette personne peut, par la suite, faire un résumé à l’employeur, mais il doit se limiter aux informations nécessaires pour ce faire[6]. À ce stade, il est important de souligner qu’un employeur qui tente d’obtenir ou obtient le dossier médical d’un travailleur commet une infraction pénale au sens de la Loi et est passible d’amende allant de 2 000 à 10 000$ pour une personne morale. Un professionnel de la santé qui contreviendrait à ces nouvelles dispositions pourrait également se voir imposer une amende[7].

Le gouvernement prévoit un délai plus long, soit deux ans, pour déposer une réclamation à la CNESST dans les cas de violence à caractère sexuel.[8] Ce délai pourrait éventuellement susciter des difficultés pour les enquêtes.

Au niveau de l’imputation des coûts, la Loi prévoit que les coûts pour ce type de lésion ne seront pas imputés à l’employeur et seront plutôt imputés aux employeurs de toutes les unités[9], lorsque la violence à caractère sexuel n’a pas été commise par « l’employeur du travailleur, l’un de ses dirigeants dans le cas d’une personne morale ou l’un des représentants de l’employeur dans ses relations avec les travailleurs ». Ainsi, si la lésion  découle de gestes posés par un collègue de travail ou un tiers, par exemple, l’employeur ne sera pas imputé des coûts de cette lésion.

 

Loi sur les normes du travail

 

La LNT est modifiée principalement afin d’établir le contenu minimal que doit contenir la politique de l’employeur en matière de prévention de harcèlement psychologique. Par exemple, l’employeur devra déployer des mesures permettant de prévenir le harcèlement psychologique exercé par toute personne, incluant la clientèle d’un établissement[10]. Ces nouvelles exigences entreront en vigueur le 28 septembre 2024.

De plus, la Loi prévoit que l’employeur pourra désormais passer outre les clauses d’amnistie en cas de violence physique ou psychologique, incluant la violence à caractère sexuel. Concrètement, cela signifie que pour de tels motifs, il pourra appliquer la gradation des sanctions envers un employé en tenant compte des mesures disciplinaires précédemment imposées pour de telles violences, malgré toute clause à la convention collective ou au contrat individuel de travail prévoyant qu’après un certain délai, les mesures antérieures ne peuvent être invoquées ou considérées[11].

Puis, par la modification de l’article 122 LNT, la Loi ajoute l’interdiction de toute mesure de représailles contre une personne ayant signalé une situation de harcèlement psychologique[12].

Finalement, la LNT est modifiée afin de prévoir la confidentialité de toute entente de règlement qui survient à la suite d’une plainte de harcèlement psychologique. Cette confidentialité s’étend à tout ce qui a été dit, écrit ou fait dans le cours du processus de ce règlement. Il est toutefois possible pour les parties de convenir de la lever[13].

 

Autres modifications

 Outre les modifications détaillées plus haut, la Loi instaure diverses mesures qui méritent d’être soulignées :

  • Rehaussement de l’indemnité de remplacement du revenu d’un stagiaire, d’un travailleur qui est étudiant à temps plein ou d’un enfant considéré travailleur[14] ;
  • Inhabilité à exercer certaines fonctions de représentation dans le domaine de la construction pour les personnes déclarées coupables d’agression sexuelle ou d’agression sexuelle grave[15] ;
  • Diverses modifications à la Loi sur la protection des stagiaires en milieu de travail[16] et à la Loi sur le statut professionnel des artistes des arts visuels, du cinéma, du disque, de la littérature, des métiers d’art et de la scène[17], afin de refléter, dans ces régimes particuliers, les nouvelles mesures mentionnées plus haut.

 

Conclusion

 

Il est difficile, à ce stade-ci, d’évaluer avec précision les répercussions que la Loi aura au sein des différents milieux de travail. Chose certaine, l’équipe de Monette Barakett est disponible pour accompagner les employeurs dans la foulée de ces nouvelles mesures.

 

[1] Loi visant à prévenir et à combattre le harcèlement psychologique et la violence à caractère sexuel en milieu de travail, L.Q., 2024, c. 4, art. 33

[2] Id., art. 38

[3] Id., art. 1

[4] Id., art. 42

[5] Id., art. 4

[6] Id., art. 5 à 7

[7] Id., art. 16

[8] Id., art. 9 à 11 ; ce nouveau délai entrera en vigueur le 28 septembre 2024

[9] Id., art. 12 et 13

[10] Id., art. 18

[11] Id., art. 20

[12] Id., art. 21

[13] Id., art. 25

[14] Id., art. 8

[15] Id., art. 32

[16] Id., art. 29-31

[17] Id., art. 39-41