La confidentialité des renseignements contenus dans le dossier médical d’un usager est le principe général qui ressort de l’article 19 de la Loi sur les services de santé et les services sociaux[1] (« LSSSS ») et nul ne peut y avoir accès sans le consentement de l’usager ou de son représentant. Il existe certaines exceptions à ce principe général. Elles sont clairement établies dans la LSSSS.
Une de ces exceptions est stipulée à l’article 27.1 de la LSSSS. Cette disposition permet la communication d’un renseignement contenu au dossier d’un usager sans son consentement si les conditions suivantes sont satisfaites :
- L’établissement de santé et de services sociaux a confié un mandat ou un contrat de service à une personne ou un organisme ;
- Le mandat ou le contrat de service est à durée déterminée ;
- La communication de ce renseignement est nécessaire à l’exercice du mandat ou à l’exécution d’un contrat de service ;
- Le mandat ou le contrat de service est confié par écrit ;
- Le mandat ou le contrat de service indique les mesures et prévoit les obligations énumérées au deuxième alinéa de l’article 27.1 LSSSS.
De plus, selon l’article 27.2 de la LSSSS, l’établissement, gardien du dossier médical d’un usager, a également l’obligation d’inscrire dans un registre toute communication de renseignements effectuée qui satisfait à ces conditions.
Tel qu’indiqué, pour que l’article 27.1 de la LSSSS trouve application, il faut, en premier lieu, que l’établissement de santé et de services sociaux et son co-contractant conviennent d’un contrat de service ou d’un mandat. La jurisprudence n’ayant pas tranché la question, nous présumons que ces deux types de contrats sont des contrats nommés édictés dans le Code civil du Québec (« C.c.Q. ») :
- Les articles 2098 et suivants du C.c.Q. décrivent les conditions essentielles d’un contrat de service qui implique qu’une personne (l’entrepreneur ou le prestataire de service) réalise un ouvrage (matériel ou intellectuel) pour une autre (le client), ou rende un service à celle-ci, en contrepartie d’un prix[2]. Le contrat de service vise autant les prestations de services professionnels que les prestations de services de nature commerciale[3].
- Les articles 2130 et suivants décrivent les conditions essentielles d’un mandat par lequel une personne, tel un établissement de santé et de services sociaux, donne le pouvoir à une autre personne de la représenter dans l’accomplissement d’un acte juridique avec un tiers.
Il est utile de rappeler que, lorsqu’ils doivent interpréter un contrat, les tribunaux ne sont pas liés par la qualification que les parties lui ont donnée lors de sa signature. Pour qualifier un contrat, un juge analysera ses stipulations, son contenu, son mode d’exécution, les effets qu’il produit ainsi que la volonté interne des parties[4]. Ainsi, bien que les parties au contrat avaient, en toute bonne foi, l’intention de signer un contrat de service, un tribunal pourrait en décider autrement.
À notre connaissance, depuis leur adoption en 2005, les articles 27.1 et 27.2 LSSSS n’ont toujours pas été interprétées par les tribunaux de manière à servir de guide aux établissements de santé et de services sociaux dans pareil contexte. La doctrine est également plutôt avare de commentaires à ce sujet.
En convenant d’un mandat ou d’un contrat de service prévoyant la communication de renseignements contenus dans le dossier médical d’un usager, un établissement de santé et de services sociaux devrait donc agir avec prudence. En effet, l’article 27.1 de la LSSSS assujettit une telle communication à un critère de nécessité, soit à ce qui est « indispensable, requis, obligatoire ou essentiel » et non à ce qui est simplement « utile »[5].
Enfin, l’article 27.1 de la LSSSS sera évidemment amené à être modifié en raison de l’entrée en vigueur prochaine de l’article 77 de la Loi sur les renseignements de santé et de services sociaux (RLRQ c R-22.1). Des modifications seront donc à prévoir, plus particulièrement en ce qui a trait aux mesures de sécurité informatique. La date d’entrée en vigueur de cette loi n’étant toujours pas décrétée par le gouvernement, la LSSSS demeure toujours applicable pour le moment.
[1] RLRQ, c. S-4.2.
[2] Art. 2098 Code civil du Québec; Guichet unique d’inscription dès l’enfance c. Procureure générale du Québec, 2017 QCCA 13, par. 42.
[3] KARIM, Vincent, Contrats d’entreprises (ouvrages mobiliers et immobiliers : construction de rénovation), contrat de prestation de services (obligations et responsabilité des professionnels) et l’hypothèque légale, 4e édition (2020), Chapitre huitième – du contrat d’entreprise ou de service, par. 24.
[4] Uniprix inc. c. Gestion Gosselin et Bérubé inc., 2017 CSC 43, par. 27 et 28.
[5] Nous référons ici à la jurisprudence de la Commission d’accès à l’information puisque l’article 67.2 de la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels, RLRQ c A-2.1 contient une disposition similaire à l’article 27.1 LSSSS qui utilise également le terme « nécessaire ».