Le 26 juin dernier, la Cour supérieure du Québec a confirmé une sentence arbitrale ayant statué que la nouvelle obligation de formation continue des enseignants prévue à la Loi sur l’instruction publique (« LIP ») n’avait pas pour effet de restreindre le droit de l’employeur d’imposer des formations dites « organisationnelles » aux enseignants[1].

La sentence arbitrale

Depuis le 1er juillet 2021, le personnel enseignant doit effectuer 30 heures de formation continue par période de deux années scolaires. Cette exigence est prévue à l’article 22.0.1 de la LIP, lequel a été introduit par le projet de loi no 40 intitulé Loi modifiant principalement la Loi sur l’instruction publique relativement à l’organisation scolaire et à la gouvernance scolaire.

Dans l’affaire Syndicat de l’enseignement des Basses-Laurentides (FAE) et Centre de services scolaire des Mille-Îles[2], l’arbitre Yves Saint-André était saisi de griefs contestant l’imposition par l’employeur de séances de formation organisationnelle, c’est-à-dire « de la formation mise en place par l’employeur à titre d’appui à la culture et aux valeurs du centre de services scolaire selon le contexte éducatif propre à chaque milieu ».

Le syndicat prétendait que, selon le nouvel article 22.0.1 de la LIP imposant une obligation de formation continue aux enseignants, il revenait dorénavant à ces derniers et à ces derniers seulement de choisir leurs activités de formation. Il s’appuyait sur le texte du premier alinéa de l’article à l’effet que l’enseignant « choisit les activités de formation continue qui répondent le mieux à ses besoins en lien avec le développement de ses compétences ».

Quant à l’employeur, il plaidait que la nouvelle législation ne s’adressait pas à lui, mais bien aux enseignants, et qu’elle ne restreignait en rien son droit de former son personnel. Qui plus est, en l’espèce, ce droit n’avait pas été exercé de manière abusive, arbitraire ou déraisonnable.

L’arbitre a retenu la position patronale. Pour lui, les Centres de services scolaire ne sont pas interpellés par le nouveau texte de la LIP sur la formation continue des enseignants.

La seule obligation qui incombe à la direction d’école, conformément au troisième alinéa de l’article 96.21 de la LIP, consiste à s’assurer « que chaque enseignant remplisse son obligation de formation continue ».  L’arbitre considère que cette obligation imposée à la direction d’école ne suffit pas à priver l’employeur de son droit d’exiger des formations qui soutiennent la culture et les valeurs de l’organisation. Bien que ces formations soient imposées par l’employeur, l’enseignant conserve la liberté de les déclarer ou pas dans ses 30 heures de formation continue.

D’autre part, selon l’arbitre, il n’existe aucune contradiction entre le droit de l’enseignant de choisir « les activités de formation continue qui répondent le mieux à ses besoins en lien avec le développement de ses compétences », comme le stipule l’article 22.0.1 de la LIP, et le droit de l’employeur de requérir la participation de l’enseignant à trois demi-journées de formation organisationnelle lors d’une des 20 journées pédagogiques de l’année scolaire. De plus, il n’y a aucune preuve que l’employeur fait un usage abusif de son droit de direction en imposant à ses enseignants des formations organisationnelles.

Enfin, l’arbitre conclut que l’obligation de formation continue prévue à l’article 22.0.1 de la LIP n’a pas pour effet de limiter le droit de direction de l’employeur d’imposer des formations organisationnelles aux enseignants. Les griefs sont rejetés.

Pourvoi en contrôle judiciaire

Le syndicat s’est pourvu en contrôle judiciaire de la sentence arbitrale argumentant que l’arbitre faisait une interprétation déraisonnable de l’article 22.0.1 de la LIP et que sa sentence contredisait le droit reconnu aux enseignants de choisir leurs activités de formation. Aussi, selon le syndicat, l’arbitre devait tenir compte des débats parlementaires pour inférer l’intention du législateur de limiter le droit de l’employeur d’imposer des formations aux enseignants.

La Cour supérieure a rejeté la demande de pourvoi en contrôle judiciaire.

Selon le Tribunal, la conclusion de l’arbitre voulant que l’obligation de formation continue prévue à la LIP n’ait pas pour effet de restreindre le droit de direction de l’employeur d’imposer des formations organisationnelles aux enseignants consiste en une interprétation raisonnable de la loi.

La Cour estime également qu’il n’est pas déraisonnable de conclure que les débats parlementaires ne sont d’aucune utilité, puisque ces déclarations « ne peuvent supplanter le sens véhiculé par le texte de loi ou par d’autres éléments contextuels ».

Il est intéressant de souligner que cette affaire rappelle l’importance d’un droit de direction souvent tenu pour acquis : le droit de former son personnel. Pour limiter cette prérogative de l’employeur, un texte de loi clair est requis, ou, évidemment, une disposition claire de la convention collective.

[1] Syndicat de l’enseignement des Basses-Laurentides c. Me Yves Saint-André et Centre de services scolaire des Mille-Îles, (C.S., 2024-06-26) 700-17-019362-234.

[2] 2023 QCTA 72.

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