La présente chronique fait suite au Webinaire du 6 mai dernier présenté par Me Stéphanie Rainville qui s’intitulait Avis disciplinaire : les limites de l’imprécision. L’objectif de cette chronique est donc de revoir les principales règles en matière de rédaction d’avis disciplinaire.
Une mesure disciplinaire, par opposition à une mesure administrative, implique une faute dite volontaire de la part d’un salarié. L’employeur agit donc afin de signifier au salarié son désaccord avec le comportement et permettre à celui-ci de s’ajuster et corriger son comportement. En matière disciplinaire, les mesures les plus fréquentes sont l’avis écrit, la suspension sans solde et le congédiement.
L’enquête
Afin de prendre une décision éclairée quant à la mesure à imposer, l’enquête est une étape préalable incontournable. L’enquête nécessite de rencontrer toutes les personnes impliquées dans l’événement ainsi que le salarié visé. Il est essentiel de consigner par écrit l’ensemble des versions obtenues, en y indiquant seulement les faits et non les opinions ou impressions. Vous devez réaliser les enquêtes avec célérité, objectivité et impartialité. Tous les facteurs atténuants et aggravants doivent être pris en considération et analysés. Il est également important de se référer aux dispositions des conventions collectives applicables, le cas échéant, quant aux délais pour imposer une mesure disciplinaire.
La qualité de l’enquête permet de prendre la mesure appropriée compte tenu de toutes les circonstances. Le choix de la mesure dépendra également de plusieurs facteurs, que ce soit la gravité de la faute, l’ancienneté, le dossier disciplinaire antérieur, les politiques de l’entreprise et les facteurs atténuants et aggravants.
Une fois l’enquête terminée et la mesure déterminée, vous devez rédiger l’avis disciplinaire. Cet avis sera l’outil sur lequel l’employeur devra s’appuyer s’il y a contestation de la mesure disciplinaire. Il est donc essentiel que celui-ci soit rédigé avec soin. Il est d’abord important de se référer aux dispositions des conventions collectives, le cas échéant, pour connaître les exigences prévues par les parties quant au contenu obligatoire d’un avis disciplinaire. Toutefois, peu importe le libellé de la convention collective, il faut garder à l’esprit que l’avis doit contenir suffisamment d’informations pour justifier la mesure imposée et pour permettre au salarié, à la simple lecture de l’avis, de savoir ce qui lui est reproché.
L’importance de la précision
Si l’avis n’est pas suffisamment précis, le syndicat pourrait soulever une objection préliminaire quant à la validité même de celui-ci. Une mesure pourrait donc être annulée sur la base du contenu incomplet de l’avis si celui-ci ne respecte pas les exigences minimales prévues à la convention collective. En effet, un arbitre de griefs a la possibilité de déclarer l’avis nul lorsque celui-ci n’est pas conforme à la convention.
Le syndicat pourrait également faire une demande de précisions quant aux faits reprochés et aux motifs de l’avis. Par ailleurs, si l’avis ne contient pas l’ensemble des faits reprochés, l’employeur serait limité quant à la possibilité de faire la preuve des éléments qui ne sont pas mentionnés dans la lettre. En effet, un employeur ne peut bonifier un avis disciplinaire « après coup » en tentant d’introduire en preuve des reproches qui ne s’y trouvent pas dépendamment des conventions collectives trouvant application.
Il importe également de se rappeler qu’il faut être en mesure de prouver chacun des faits invoqués dans l’avis. La qualité et la rigueur de l’enquête prennent tout leur sens et il ne faut rien laisser au hasard, ni présumer certains faits. Il est ainsi préférable de renoncer à certaines récriminations qu’il ne sera pas possible de prouver devant un tribunal et se concentrer sur celles qui passeront le test des tribunaux.
Il est important de savoir que si l’avis n’est pas suffisamment précis et que la partie syndicale présente une requête en précisions, l’employeur pourrait se voir contraint à divulguer une partie de sa preuve. En effet, la jurisprudence est divisée sur la portée d’une requête en précisions. Le courant minoritaire favorise la divulgation de la preuve afin d’assurer une défense pleine et entière pour le salarié. Il s’agit d’un courant permissif. Quant au courant majoritaire, il est plus restrictif et précise qu’aucune disposition législative ne permet une divulgation préalable de la preuve. Il faut tout de même rappeler que les arbitres de griefs sont maîtres de la preuve et de la procédure selon l’article 100.2 du Code du travail. Ils ont donc une certaine latitude pour décider du déroulement de la preuve et de la divulgation préalable de certains éléments. Ils peuvent également tenir une conférence préparatoire au cours de laquelle ils pourraient ordonner que des documents ou des informations soient transmis à l’autre partie. Ainsi, afin d’éviter d’être tenu de divulguer une partie de sa preuve au préalable, la suffisance des faits et des motifs dans l’avis disciplinaire demeure la règle.
Nous rappelons que l’employeur doit s’assurer que les faits indiqués permettent au salarié de se défendre adéquatement en sachant ce qui lui est reproché. Les faits et les reproches mentionnés dans un avis ne doivent pas être vagues et ambigus, ce qui obligerait le salarié à deviner ce qui lui est reproché. À titre d’exemple, la date des faits reprochés ou à tout le moins la période visée, et les lieux sont des éléments qui ont été jugés comme étant des précisions raisonnables. Au contraire, le nom des témoins et le contenu des témoignages sont des éléments de preuve qui n’ont pas, généralement, à être divulgués. Cela dit, chaque cas demeure un cas d’espèce et les précisions doivent être évaluées selon la nature de la cause.
Conseils de rédaction
Nous vous recommandons de commencer l’avis par une remise en contexte, soit l’événement survenu, l’enquête et la rencontre avec le salarié. Il peut également être pertinent de rappeler, au début de l’avis, l’historique des événements et mesures antérieurs similaires, pourvu que votre convention collective ne prévoie pas une clause d’amnistie après un certain délai écoulé, auquel cas vous ne pourrez les invoquer. Certains préféreront les mentionner à la fin de l’avis avec les facteurs aggravants, ce qui est tout aussi approprié.
Le corps de la lettre reprendra les événements et les faits révélés par l’enquête. À la lecture de l’avis, le salarié doit être en mesure de pouvoir comprendre et de situer temporellement les faits qui lui sont reprochés. C’est principalement à l’égard de cette section d’un avis disciplinaire qu’il est important de se rappeler que chacun des faits relatés devra éventuellement être prouvé.
Ensuite, vous pouvez référer à l’enquête et principalement à la version et à la réaction du salarié. Celui-ci a-t-il nié ou avoué? A-t-il exprimé des remords ou au contraire a-t-il banalisé les événements? A-t-il modifié sa version? A-t-il collaboré ou non à l’enquête? Il faut ensuite rappeler les antécédents s’il s’agit d’une récidive et, brièvement les autres facteurs aggravants et atténuants propres au salarié visé (ancienneté, nature des fonctions, degré d’autonomie, etc.). Le rappel des politiques applicables, le cas échéant, peut s’avérer être un élément utile à préciser.
Finalement, en lien avec les faits reprochés et les facteurs atténuants et aggravants, il faut préciser la sanction imposée. En plus de la sanction, il est également important de préciser clairement les attentes de l’employeur pour le futur en indiquant les conséquences en cas de récidive. Bien qu’il faille indiquer que des mesures plus importantes pourraient être imposées en cas de récidive, il faut éviter d’être trop précis en indiquant, par exemple, la durée d’une prochaine suspension. En effet, il vaut mieux éviter de se lier quant à l’importance d’une sanction éventuelle puisque les faits pourraient justifier une sanction plus ou moins sévère. Enfin, ne pas oublier d’en acheminer une copie au syndicat, le cas échéant.
En conclusion, soyez suffisamment précis, pour permettre au salarié de connaître ce qui lui est reproché, sans détailler votre preuve et en vous concentrant uniquement sur des faits pouvant être prouvés. Cette approche vous évitera de faire face à une requête en précisions et vous permettra de vous concentrer sur l’essentiel : démontrer le bien fondé de votre mesure disciplinaire.